En 2017, la mode perd un de ses plus grands couturiers : Azzedine Alaïa, célèbre pour avoir su magnifier les formes féminines. Au fil des années, sa technique remarquable fut mise à l’honneur par de nombreuses expositions, dont une grande rétrospective présentée au Palais Galliera quatre ans avant sa mort. Cette année, son travail est à nouveau célébré au travers d’une exposition de sa collection Tati printemps-été 1991.
Un couturier admiré et respecté de tous
Très jeune, Azzedine Alaïa quitte sa Tunisie natale pour Paris afin d’apprendre le métier de couturier. Après avoir fait ses armes auprès d’Yves Saint Laurent et de Thierry Mugler, il fonde en 1981 sa propre maison dans laquelle il construit son identité vestimentaire : des créations coupées avec une grande précision qui épousent les formes des mannequins à la perfection.
Également reconnu pour ses qualités humaines, le couturier aux éternels pyjamas chinois entretient une relation toute particulière avec ses modèles. Chacune d’elles est invitée à sa table lors de somptueux dîners, dans lesquels se retrouvent nombre de personnalités parisiennes. Naomi Campbell est celle qu’on associe toujours au couturier : à 15 ans à peine, elle est repérée par Azzedine Alaïa, qui l’aide à se lancer dans le mannequinat. Bientôt, elle appellera “papa” celui qui l’a révélée et défilera pour lui à chaque saison. En 1991, aux côtés de Christy Turlington et de Farida Khelfa, elle monte sur un podium pour présenter la collection printemps-été.
Azzedine Alaïa, collection printemps-été 1991. Mannequin : Helena Christensen. Photo : Guy Marineau
Ellen Von Unwerth, “Playgirl”, Naomi Campbell, Los Angeles (1991).
La collection Tati printemps-été 91 : quand la rue s’invite sur les podiums
À Barbès dans les années 80, les familles du quartier sortent du plus grand magasin Tati avec des quantités de sacs sous le bras. Tee-shirts à 1F, pantalons à 4… Beaucoup en profitent pour embarquer des vêtements à l’étranger et les offrir à leurs proches : dans les avions à destination de Tunis, les soutes sont remplies de sacs en toile de jute Tati. Un spectacle qui fait germer dans l’esprit d’Azzedine Alaïa l’idée d’une collection. À cette même période, l’artiste américain et ami du couturier Julian Schnabel souhaite utiliser le fameux motif vichy rouge de Tati comme support de ses peintures. Motivés par une ambition commune, Azzedine Alaïa et Julian Schnabel contactent alors Jules Ouaki, propriétaire de la célèbre enseigne française en 1990. Ce dernier les autorise à exploiter son imprimé : la collaboration Tati-Alaïa-Schnabel est lancée.
Révolutionnaire, cette collection est la première à s’inspirer aussi librement de la mode populaire
Alors que le peintre réalise une série de toiles grand format très colorées, le couturier décline le motif Tati en rouge, bleu et noir sur vêtements et accessoires : ainsi, l'imprimé pied-de-coq se propage sur des pantalons cigarettes, blousons raccourcis, grandes culottes taille haute, brassières et mêmes casquettes et lunettes de soleil. Portées sur le podium par Helena Christensen, Naomi Campbell ou Claudia Schiffer, ces pièces sont mises en vente sur tous les points de vente Alaïa. Dans les magasins Tati, trois modèles sont commercialisés à prix réduits : des espadrilles, des tee-shirts et des sacs. Azzedine Alaïa signe ici la première collaboration entre la mode des créateurs et celle de la grande distribution.
Une collection disruptive
Révolutionnaire, la collection Tati d'Alaïa est l'une des premières à s’inspirer aussi distinctement de la mode populaire, ouvrant la voie à de nombreuses collaborations à l'avenir. Arrivé à la fin des années 90, le géant suédois de la mode à petits prix H&M invitera chaque année une grande maison à imaginer une de leurs collections : se prêtent notamment à l'exercice Karl Lagerfeld, Versace, Moschino, Kenzo, Balmain, ou prochainement, Gambattista Valli. S’invitant sur des sacs Louis Vuitton par Marc Jacobs en 2007, ou des manteaux, pulls et jupes Céline par Phoebe Philo en 2013, les fameux imprimés Tati ne cessent quant à eux d’inspirer les grandes maisons.
Dans les locaux de l’Association Azzedine Alaïa, une partie de la collection Tati printemps-été 91 est actuellement exposée aux côtés des toiles de Julian Schnabel. L’occasion d’y découvrir vingt-sept pièces habillées par l’emblématique imprimé pied-de-coq, ainsi que des vidéos du défilé et de ses coulisses.
L’exposition Azzedine Alaïa, une autre pensée sur la mode. La collection Tati est à voir jusqu’au 5 janvier 2020 à l’Association Azzedine Alaïa, Paris 4e.