Hedi Slimane, l’homme qui vient bouleverser la maison Céline
Quand Céline annonce, fin décembre 2017, le départ de sa directrice artistique depuis 10 ans, la discrète Anglaise Phoebe Philo, un monde s’effondre, celui du minimalisme radical et de l’intellectuel décontracté. Entre coupes rigoureuses, références artistiques évidentes et collections ultra désirables, le succès commercial est tel qu’il est difficile d’imaginer qui pourrait la remplacer. Pourtant, le groupe LVMH frappe un grand coup et dévoile en janvier 2018 le nom de son successeur : Hedi Slimane. Et pour que la surprise soit totale, le styliste et photographe français, convoité depuis longtemps par Bernard Arnault, va également développer des collections homme, haute couture et parfums.
Visionnaire, Hedi Slimane avait imposé à l’aube des années 2000 avec Dior Homme une silhouette rock et androgyne qui marquera la décennie entière. Expérience qu’il réitérera avec un succès encore plus retentissant chez Saint Laurent de 2012 à 2015 doublant ainsi le chiffre d’affaires de la maison (de 353 millions d'euros en 2011 à 707 millions en 2014). Saint Laurent sous la houlette du créateur belge Anthony Vaccarello perpétue depuis l’héritage Slimane, électrisé néanmoins par une bonne dose de sexy et d’irrévérence.
Hedi Slimane, fidèle à une seule vision, la sienne, et maîtrisant d’une main de fer toutes les strates d’une maison de mode et de luxe (du design à la publicité en passant par les boutiques), comme il l’a prouvé chez Saint Laurent, aurait-il enfin trouvé avec Céline une maison à la hauteur de ses attentes? Désormais se pose la question de savoir s’il va y appliquer à l’identique son esthétique bohème rock, ce qui ravirait ses nombreux aficionados parmi lesquels des stars du rock et de la musique en général, des Rolling Stones à Daft Punk, mais remet en cause les directions artistiques prises par Dior Homme et surtout Saint Laurent.
Après Kris Van Assche, Kim Jones chez Dior Homme
Successeur direct d’Hedi Slimane chez Dior Homme, Kris Van Assche a pendant 11 ans prolongé sa vision rock, qu’il émaille de références sportswear sans se départir de l’esprit tailoring de la maison. Hier, Pietro Beccari, récemment nommé CEO de Christian Dior Couture annonçait le départ du créateur belge, déjà sujet à de nombreuses rumeurs depuis le début de l’année, et l’arrivée de Kim Jones, qui quittait avec panache (entouré de Kate Moss et Naomi Campbell), son poste chez Louis Vuitton homme en janvier.
Nommé par Marc Jacobs en 2011, Kim Jones va construire avec une très grande discrétion une véritable identité autour de l’homme Louis Vuitton. En 2017, Kim Jones s’est retrouvé sous les feux des projecteurs, et pour cause, il est le premier directeur artistique d’une maison de luxe à s’acoquiner avec un label streetwear. Les articles issus de sa collaboration avec Supreme, label new-yorkais cultissime qui déchaîne des foules pour un tee-shirt blanc à 50$, seront sold out en quelques heures et se vendront à prix d’or sur le net.
Adoubé par Marc Jacobs et John Galliano, ayant passé son enfance à voyager, et passionné de culture skate, de streetwear et de contres cultures, Kim Jones a su s’imprégner de l’univers Louis Vuitton et de son héritage tourné vers la bagagerie, la maroquinerie et les accessoires en y injectant une dose de cool, de sportswear et d’élégance. Dans une décennie fortement marquée par la rencontre entre high fashion et streetwear et dominé par la culture de la collaboration et du happening, Kim Jones se positionne comme le candidat idéal pour faire prendre une nouvelle direction à l’illustre maison Dior Homme au sein de laquelle flotte encore l’esprit Slimane. Reste à attendre juin 2018 pour découvrir son premier défilé.
Riccardo Tisci, un Italien chez l’Anglais Burberry
Multi-récompensé pour ses collections qui revisitent avec énergie l’héritage de Burberry, Christopher Bailey, directeur général exécutif et directeur général de la création, a fini par incarner l’âme de la maison britannique. Aussi surprenant qu’inattendu, son départ laisse planer le doute quant à ses possibles remplaçants : Phoebe Philo et/ou Kim Jones. Contre toute attente, c’est finalement Riccardo Tisci qui lui succède.
Directeur artistique de Givenchy de 2005 à 2017, l’Italien, largement influencé par ses racines italiennes et le sportswear - en témoignent ses nombreuses collaborations avec Nike - instaure une esthétique unique, à la croisée des univers romantico-gothique et street-urbain. Créateur irrévérencieux, il s’amuse des symboles de la culture contemporaine (une Madonne ou Bambi sur des sweatshirts), photographie le premier mannequin transgenre, Léa T, dans une campagne luxe, et compte parmi ses fidèles amis la performeuse Marina Abramovic ou des rappeurs et divas r’n’b tels que Kanye West et Beyoncé, ce qui l’érige rapidement en créateur culte. En 12 ans, Riccardo Tisci hisse la maison Givenchy au sommet de l’industrie du luxe et du star-system.
Chez Burberry, Riccardo Tisci rejoint ainsi le CEO Marco Gobbetti, qui l’avait déjà nommé chez Givenchy en 2005, et se voit confier la tâche de repenser l’offre de la très lisse maison anglaise, du prêt-à-porter aux accessoires, à l’ère de la fusion entre high fashion et streetwear. Alors que Clare Waight Keller chez Givenchy revisite l’héritage Givenchy pré-Tisci et bien que la fusion high fashion/streetwear se manifeste à peu près partout, le créateur italien, extrêmement suivi et apprécié, mélange allègrement les références (religieuses, ethniques, punk, streetwear, sportswear ou haute couture) avec une virtuosité rare, ce qui lui laisse carte blanche pour faire des miracles chez Burberry.