Pour la 6e édition de la Peacock Society, la jeune EKLPX n’était pas programmée, pourtant, elle était bien présente au festival le samedi soir pour écouter et admirer ses pairs aux platines. Du haut de ses 23 ans, la jeune parisienne autodidacte et membre du collectif La Quarantaine a émergé grâce à son culot. Adepte des warehouses (des entrepôts desaffectés) les plus insolites de la capitale française, EKLPX est l’incarnation de la vague néo rave : un tapage techno industriel, brut et radical. Numéro l’a rencontré pendant le DJ set de la belge Charlotte de Witte.
Numéro : Vous étiez encore étudiante en communication lorsque vous avez commencé à mixer. Comment êtes-vous arrivée sur la scène techno ?
EKLPX : Tout a commencé lorsqu'un pote m'a filé un clavier pour mixer et m'a donné des cours particuliers pour découvrir le logiciel Ableton. J'ai accroché direct. Ensuite, j'ai débuté une formation d'electronic music producer à la SAE INSTITUTE. Je me suis acheté une paire de platines dans la foulée et j'ai commencé à mixer. Au début, j'étais plutôt soft : je réglais le métronome sur 130 bpm (battements par minute) maximum. Au fil des mois j'ai commencé à accélérer.
Comment décririez-vous la scène techno française ?
De plus en plus d’artistes se tournent vers une techno plus brute et industrielle, voire acid, et les soirées hangars sont de plus en plus fréquentes. De nombreux collectifs se forment et organisent des événements plus longs et plus libres. Selon moi, ç’est lié à un besoin du public de se défouler, de sortir de sa réalité et d’aller écouter de la musique plus brutale et plus sombre.
La techno est-elle faite pour perdurer ou va-t-elle disparaître, absorbée par de nouveaux genres de musique électronique ?
Le renouvellement de la musique est perpetuel, surtout depuis l’émergence des musiques électroniques. Il y aura forcément d’autres mouvements, d’autres styles qui prendront le dessus à un moment ou un autre, c’est inévitable. Malgré tout, la techno a quelque chose d’intemporel et se réinvente constamment. Il y aura toujours de la bonne techno et des gens pour l’écouter.
“Paris se démarque grâce à son côté microcosme intimiste, tout le monde se connait, de nouveaux collectifs fleurissent et s’entraident les uns les autres. Il y a vraiment quelque chose de communautaire dans cette ville.”
DJ set de EKLPX à la Shadow Odyssey (Paris), le 13 janvier 2018.
Face à la montée en puissance des raves et free parties dans des lieux désaffectés et éloignés du centre-ville, pensez-vous que le temps des discothèques soit révolu?
Révolu? Non, je ne pense pas, même si les soirées en club sont un peu en perte de vitesse. Les noctambules parisiens cherchent à faire la fête de manière plus libre et pendant plus longtemps. Les clubs trouveront toujours leur public. Cela dit, la scène ‘warehouse’ prend de plus en plus d’ampleur à Paris et je suis complètement pour !
Paris regorge de pépites techno, aussi bien au niveau des soirées que des producteurs. Où se positionnement la capitale française par rapport à Berlin et Londres d’un point de vue artistique?
Je pense qu’elle est en train d’arriver doucement mais sûrement au même niveau que Berlin et Londres. En quelques années, il y a eu une réelle évolution, avec l'essor des collectifs et l'émergence de nouveaux DJ. La scène parisienne a connue une expansion assez rapide. On essaye un peu de rattraper Berlin, mais la capitale allemande reste un ovni dans le paysage de la teuf européenne et demeure incomparable aux autres villes. Londres est une ville beaucoup plus grande et les soirées y sont souvent plus commerciales. La vie nocturne parisienne se démarque grâce à son côté microcosme intimiste, tout le monde se connait, de nouveaux collectifs fleurissent et s’entraident les uns les autres. Il y a vraiment quelque chose de communautaire à Paris qui rend cette ville assez unique.
“Je me trouve plutôt chanceuse en tant que femme, j'ai pas mal de propositions sûrement grâce à cela. Pour moi, c'est clairement un avantage car nous sommes moins nombreuses sur le marché.”
Grimes, une productrice canadienne de musique électronique, expliquait récemment lors d’une interview que l'industrie musicale demeurait sexiste et qu'il était difficile encore pour une femme de percer en tant que productrice. Comment percevez-vous la place de la femme dans le monde des DJ techno ?
Je me trouve plutôt chanceuse en tant que femme, j'ai pas mal de propositions sûrement grâce à cela justement. Pour moi, c'est clairement un avantage car nous sommes moins nombreuses sur le marché.
Quels sont vos artistes favoris en ce moment ?
J'écoute beaucoup de rap français et US, comme Damso, Vald, Migos, 21 Savage, Lil Uzi Vert, Drake ou encore Wale. Avec le soleil et le beau temps qui arrive, je suis dans le mood Ray Charles, Gary B. B. Coleman, ou même Buena Vista Social Club, etc…
Concernant la Peacock Society, pour qui êtes-vous venue ?
Je ne suis pas venue pour un artiste en particulier mais plutôt pour l'ambiance et le fait de me retrouver avec tous mes potes dans un spot idyllique pour célébrer la musique électronique. Je voulais absolument voir Jeff Mills mais il n'y avait plus de place le vendredi soir donc je suis venue pour écouter de tout.
Des projets à venir ?
Alors, le 2 août, je joue à la Jeudi OK. J'ai ensuite une date au Bloc le 15 septembre, à Londres, et tournée d'un mois en Colombie qui débutera juste après. En dehors des lives, j'ai quelques EP de prévus, mais je suis en pause production en ce moment par manque d'inspiration et surtout de temps. J'ai sorti énormément de morceaux depuis janvier 2018 donc pour l'instant j'attends un peu pour retrouver matière à produire.