Le 13 octobre prochain, le photographe japonais Daidō Moriyama, 81 ans, se rendra à Göteborg, sur la côte ouest de la Suède afin de récupérer son trophée : le prix international de la Fondation Hasselblad. Une récompense attribuée depuis 1980 à un photographe de renom pour saluer l’ensemble de son œuvre. Le Hasselblad Center (Suède) accueillera dans le même temps une nouvelle exposition de Daidō Moriyama. L’artiste rejoint ainsi le cercle des photographes déjà salués par l’institution : Irving Penn (1985), Richard Avedon (1991), Hiroshi Sugimoto (2001), Malick Sidibé (2003), David Goldblatt (2006), Nan Goldin (2007), Wolfgang Tillmans (2015)…
On le connaît surtout pour ses images de Tokyo au grand-angle, en noir et blanc sombre, presque sale, inconvenant. Daidō Moriyama s’est pourtant aussi illustré, entre 1969 et 1972, dans la photo de nu érotique en participant à la révolution visuelle et culturelle incarnée par le magazine nippon Provoke. Des scènes de bondage typiquement japonaises, étrangement délocalisées en pleine nature, diverses positions d’un corps féminin anonyme, sur un lit, dans une salle de bains… Dans ces poses naturelles, la dimension voyeuriste s’estompe et laisse place à un sentiment d’intimité décomplexé, apaisé et assumé, qui tranche d’autant plus avec la légendaire pudeur japonaise : un érotisme solaire et non sulfureux, expurgé de toute forme de culpabilité et de perversion. En réinventant le nu érotique, Daidō Moriyama dessine en creux le portrait d’une société en crise d’identité, qui tente d’esquisser sa propre modernité en se démarquant d’une part du carcan de ses traditions, d’autre part des mirages du rêve américain. Le photographe désigne le rapport au corps comme un enjeu central de ce bouleversement.