On connaît ses images de visages décuplés dans des miroirs infinis ou des kaléidoscopes colorés, ses portraits de femmes fardées, emblèmes de l’idéal de beauté occidental des années 50, ses compositions en noir et blanc fragmentées entre ombre et lumière… La patte d’Erwin Blumenfeld a marqué la photographie de mode des années 40 à 60. De Berlin à New York en passant par Amsterdam et Paris, cet artiste a notamment travaillé pour Harper’s Bazaar et Vogue pendant plusieurs années. Inspirés par les dadaïstes, les surréalistes et l’avant-garde berlinoise, ses tirages, dessins, collages et films jouent aussi bien avec la couleur qu’avec le support même de l’image, témoignant du goût de leur auteur pour l’expérimentation.
Si Erwin Blumenfeld a la plupart du temps pris le corps pour objet, on retient surtout ses photographies de modèles vêtues de pièces de haute couture ou ses portraits sophistiqués. Pourtant, le corps féminin à l’état pur a aussi attiré toute son attention. Au Chaussee 36, un espace d’exposition berlinois dédié à la photographie, c’est ce volet bien moins connu de sa pratique qui se trouve mis en avant : le nu. Jusqu’au 30 novembre, Chasing Dreams explore à travers une série de clichés en noir et blanc, réalisés entre 1936 et 1955, cette riche thématique visuelle qui anima jadis le photographe.
Habillé de résilles impalpables par le soleil qui traverse un grillage, dupliqué en négatif, ou superposé par des jeux de transparence, le corps féminin est révélé par Blumenfeld comme objet plastique modelé uniquement par la lumière. Face à ces images, on pense à Man Ray, Hans Bellmer ou encore Heinrich Heidersberger : un panthéon du milieu du XXe siècle dans lequel Blumenfeld s’établit avec panache, ayant contribué avec ses pairs à poser sur le corps féminin un autre regard.
Erwin Blumenfeld, Chasing Dreams : Experimental Nudes, 1936-1955, sous un commissariat d'Alice Le Campion, du 11 octobre au 30 novembre au Chaussee 36, Berlin.