En 1992, Tilda Swinton, encore jeune actrice de 32 ans tout juste récompensée à la Mostra de Venise, revêtait le costume d'Orlando dans une adaptation de Sally Potter. Dans son roman publié en 1928, Virginia Woolf narre le parcours palpitant d’un jeune noble anglais de l’ère élisabéthaine (1558-1603). En 300 ans – une période qui lui laissera le temps d'accumuler mille et une vies – il change de genre, troque son identité pour une autre, s’entiche aussi bien d’homme que de femmes… un rôle parfait pour Tilda Swinton.
Sorcière androgyne, vampire, patronne de presse, ministre… À 58 ans, l’actrice a incarné tous les personnages, porté tous les costumes. Son exigence et sa curiosité l’ont menée vers différentes activités artistiques, on se souvient de sa performance remarquée au MoMa en 2013 : elle avait dormi dans une cage de verre. Malgré les nombreux contacts qu'elle noue avec les milieux créatifs depuis son plus jeune âge, à ce jour, elle n'avait jamais encore organisé d’exposition.
Mickalene Thomas, Untitled #3, série Orlando (2019), pour Aperture. Courtesy of the artist and Yancey Richardson Gallery, New York.
Jamal Nxedlana, FAKA Portraits, Johannesburg (2019), pour Aperture. Courtesy of the artist.
Ce rôle de curateur lui a été confié par l'Aperture Fondation, une association créée en 1952 et consacrée à la pratique de la photographie. L’institution a proposé à Tilda Swinton de présenter plusieurs œuvres liées aux thématiques du roman de Virginia Woolf : le genre, la sexualité, le temps qui passe. Certains artistes en repoussent les limites et abordent des problématiques raciales de représentation et de discrimination.
Semblables à des tableaux, les photographies laquées de Mickalene Thomas – qui avait notamment réinterprété le sac Lady Dior le 25 mars dernier – donnent à voir un certain type de beauté au-delà des injonctions de l'idéologie dominante. Le personnage principal de l’oeuvre de Virginia Woolf y est peint dans toute sa complexité, en homme puis en femme, tout en soulignant sa couleur de peau. Des images qui rappellent ces copies de portraits classiques métamorphosées par le peintre Kehinde Wiley. Jamal Nxedlana croise par ses clichés fantaisistes la notion de travestissement et d’exotisme lorsque Paul Mpagi Sepuya souhaite relever, à l'occasion de cette exposition, “le racisme barbare” qui découle de l’oeuvre de Virginia Woolf.
Zackary Drucker, Rosalyne, (2019). Courtesy of the artist et Luis De Jesus Los Angeles.
Lynn Hershman Leeson, Rowlands/Bogart (Female Dominant), série Hero Sandwich, (1982), peinture et collage. Courtesy of the artist et Bridget Donahue, New York.
Amie de longue date de Tilda Swinton, la peintre, plasticienne et cinéaste Lynn Hershman Leeson est également de la partie. On retrouve son oeuvre protéiforme marquée par les questions de genre au sein de l'exposition. Son collage Rowlands/Bogart (1982) démontre que les hommes et les femmes adoptent des attitudes similaires au sein des médias. L’Aperture Fondation expose également des portraits de Rosalyne Blumenstein par le photographe Zackary Drucker.
“Orlando” du 24 mai au 11 juillet 2019
Fondation Aperture
547 West 27th Street, 4th Floor
New York