Lors d’une interview pour Vice en octobre 2020, Michaela Jaé “MJ” Rodriguez a confié : “Nous avons percé le plafond de verre, mais il ne s’est toujours pas effondré.” Voici comment l’actrice de 30 ans a défini le succès de la série Pose, le drame historique qui a lancé sa carrière – et la première série au monde dont le casting comprend autant d’acteurs transsexuels. Dans la série créée par Ryan Murphy, elle incarne Blanca Evangelista, la responsable d’une maison de ballroom new-yorkaise atteinte du sida. Tandis qu’elle surprend dans un rôle alliant férocité et vulnérabilité, l’actrice rend aussi hommage à la culture du bal. Lieux de rencontres artistiques d’une part, où se jouent concours de danse et dragshows, les ballrooms sont surtout autant d’espaces indissociables de la culture queer, où les personnes transgenres peuvent s’exprimer et bénéficier d’un soutien émotionnel. Un environnement si accueillant que les responsables des maisons sont appelés “mères” ou “pères”…
Un rôle taillé pour MJ Rodriguez, qui tient à cœur de rendre hommage à tous ses “parents” de fortune, qui donnent leur vie pour soigner les dégâts causés par une société gangrenée par l’homophobie et la transphobie. Car la comédienne connaît bien ces les lieux hors du temps où vivent des personnes ostracisés. Dès l’âge de 14 ans, après une enfance modeste passée dans le New Jersey à pratiquer la danse, elle découvre la culture du bal à New York, où elle apprend le voguing. Son ambition se construit alors autour de son amour pour la scène, qui la mène jusqu’à Broadway, où elle prend les traits d’Angel Dumont Schunard dans la comédie musicale Rent, avant d’entamer sa transition en 2012. S’en suivent quatre ans de petits rôles, avant d’incarner, en 2016, le personnage de Sister Boy dans la série Luke Cage : c'est la première fois qu’une personne transgenre est castée dans l’univers Marvel. L'actrice met alors un point d'orgue à incarner des personnages jusqu'ici sous-représentés. Ainsi, dans le film indépendant Saturday Church (2017), MJ Rodriguez prend les traits d’Ebony, une adolescente qui explore son identité de genre à travers son évolution dans les ballrooms. Ce rôle lui vaudra une nomination lors du festival du film de Tribeca.
À l’image de Laverne Cox, la star d’Orange Is The New Black, MJ Rodriguez est l’une des pionnières dans l'occupation progressive du paysage cinématographique par les personnes transgenres. “Nos rôles étaient jusque là limités à ceux des drags queens et des prostituées”, confie-t-elle pour Vice en 2020. Jusqu’à sa nomination historique aux Emmy Awards, le 13 juillet dernier, pour son rôle dans Pose, l’actrice n’a jamais cessé de manifester son soutien à la communauté LGBTQ+. Elle n'a jamais hésité, non plus, à défendre la condition des femmes noires transsexuelles, qui sont encore, selon elle, discriminées au sein de leur propre communauté ethnique. Engagée et portée par une détermination sans faille, MJ Rodriguez est devenue l’un des visages emblématiques de la lutte contre toutes les formes de discrimination. Et si elle brille par son sens du style sur le tapis rouge et détaille sa routine beauté sur la chaîne YouTube de Vogue US, elle distille son engagement dans chacun de ses projets artistiques. Plus récemment, l’actrice a retrouvé son amour de jeunesse – la musique – et a livré un premier single, entre pop et RnB, intitulé Something To Say, une véritable ode à la tolérance.
73e cérémonie des Emmy Awards, le 20 septembre 2021 à Los Angeles.
“Something To Say” (2021) – Michaela Jaé