Amedeo Modigliani (1884-1920) a quitté son Italie natale à 22 ans pour un Paris en effervescence. Issu d’une famille juive de Livourne, ville portuaire de la Toscane, il passera par Florence et Venise avant de s’éprendre de l’hexagone en 1906 puis de s’y éteindre à 36 ans, éreinté par une vie tumultueuse, emporté par la tuberculose. Jusqu’au 2 avril, l’ancienne centrale électrique qui abrite la Tate Modern rend hommage au peintre maudit à travers une rétrospective fleuve. L’exposition Modigliani est la plus importante jamais consacrée à cet artiste sur le sol britannique. On y retrouve ses illustres portraits, ses sculptures aux inspirations africaines, et les nus tumultueux qui ont heurté Paris, à l’aube des années 20. Et pour que l’immersion soit totale, la Tate convie les visiteurs dans les artères de Montparnasse et propose une reconstitution en réalité virtuelle au sein même de l’atelier du peintre.
Héritage de ses flâneries à Montmartre et de ses fréquentations des cafés enfumés : de nombreux portraits. Le peintre espagnol Juan Gris, Pablo Picasso, le sculpteur français Henri Laurens Jean Cocteau… Des artistes qui, pour la plupart, échappèrent au carnage des tranchées grâce à leur statut d’étranger. Représentés assis, les modèles sont paisibles voire moroses, des visages long dont les yeux en amande parfois sans pupilles rompent radicalement avec le train de vie déplorable de Modigliani. Début 1910, le peintre rencontre Constantin Brâncuși, précurseur de la sculpture surréaliste. Il change de registre. Influencé par les œuvres du musée ethnographique du Trocadéro, Modigliani transpose ses toiles dans la pierre : des lèvres épaisses, des visages étendus, des yeux vides. L’Italien emprunte la technique du sculpteur américain Jacob Epstein (1880-1959) et le souvenir des cariatides grecques pour créer des figures aussi sereines que distinguées. Mais alors que la guerre fait rage, la pénurie de matériaux se fait sentir. Modigliani délaisse alors la sculpture et la poussière qui pénètre ses poumons puis revient à la peinture… qui se vend mieux.
Influencé par la période bleue de Picasso et par les toiles impressionnistes de Paul Cézanne, Amedeo Modiglioni gardera toujours sur lui une reproduction du Garçon au gilet rouge (1888-1890). Il dépeint sa muse et maîtresse la poétesse Béatrice Hastings mais également la mère de son enfant Jeanne Hébuterne qui ne supportera pas la mort de “Modi” et mettra fin à ses jours. Mais s’il y a bien une chose que l’on retient d’Amedeo Modigliani, ce sont ses nus qui ne représentent pourtant que 10% de son œuvre totale. Ainsi, en 1917, une exposition à la galerie Berthe Weill fait scandale : la représentation des poils pubiens défraie la chronique et les nus de l’artiste sont censurés pour outrage à la pudeur. Ce fût la seule exposition présentée de son vivant.
Modigliani, Tate Modern, jusqu’au 2 avril, Londres