Thierry Raspail, le directeur artistique de la Biennale de Lyon, et Emma Lavigne avaient donné, ce mardi 18 avril, rendez-vous au Centre Pompidou pour présenter la Biennale. C’est peu dire que l’événement était attendu… pour de bonnes et de mauvaises raisons. D’abord, parce qu’Emma Lavigne réalise un travail exceptionnel à la direction du Centre Pompidou-Metz depuis décembre 2014. Les expositions qu’elle y propose explosent les cadres de l’art contemporain pour aller chercher du côté de la musique (sa spécialité), de la littérature, de l’écologie et même de la télépathie. Mais aussi parce qu’Emma Lavigne est attendue au tournant. Sa consœur Christine Macel, conservatrice en chef du musée d’Art moderne du Centre Pompidou, est cette année la commissaire invitée de la Biennale de Venise qui s’ouvrira le 13 mai. Les mauvais esprits pourraient y voir l’occasion de monter en épingle une concurrence factice.
Mondialisation galopante, mobilité exacerbée, Internet, déracinement et dissolution des identités… On ne peut plus parler d’un monde actuel, au singulier, mais bien de différents “mondes flottants“.
L'ART EN ARCHIPELS
Mais le plus passionnant demeure, dans cette histoire, la programmation. Pour la Biennale de Lyon, fidèle à elle-même, Emma Lavigne défend un art contemporain en prise directe, et en lutte, avec son époque. La commissaire nous propose ainsi, avec les 64 artistes invités (à ce jour), de nous questionner sur la place de l’homme dans un monde en mouvement perpétuel. Mondialisation galopante, mobilité exacerbée, Internet, déracinement et dissolution des identités… il semblerait pour Emma Lavigne qu’on ne puisse plus parler d’un monde actuel, au singulier, mais bien de différents “mondes flottants“. Répondant au mot-thème imposé par Thierry Raspail : “moderne”, la Française a choisi de citer Baudelaire pour qui “le moderne, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent”.
Pour mieux rendre compte de la multiplicité de ces mondes en renouvellement constant qui forment notre époque, Emma Lavigne a adapté la forme même de la Biennale, organisée en sections thématiques conçues comme autant d’“archipels” où le public aura l’occasion de voguer : Flux et Reflux (avec Marcel Broodthaers ou Laurie Anderson), Ocean of Sounds (avec Doug Aitken et Fernando Ortega), l’Archipel de la sensation (avec Davide Balula ou Jill Magid), etc.
La “modernité” dont nous parle Emma Lavigne est une modernité qui “détruit et lacère le white cube européen”.
UNE BIENNALE OU “LA MARGE TIENT LA PAGE”
La sélection internationale des artistes (la plupart réaliseront de nouvelles œuvres pour l’occasion) tient du manifeste 100% Emma Lavigne : des créateurs engagés, jeunes ou iconiques, dont les pratiques dépassent l’espace pictural pour s’intéresser, par exemple, à la danse (Melik Ohanian) ou à la musique (Ari Benjamin Meyers, déjà aperçu en collaborateur de Tino Sehgal), etc. Bref, la “modernité” dont nous parle Emma Lavigne est une modernité qui “détruit et lacère le white cube européen”, nourrie par les “attitudes libertaires des artistes”, “ouverte sur notre époque” sans jamais oublier d’être poétique. Une modernité d’outsiders qui ont décidé de secouer les mondes flottants où nous aurions peut-être trop tendance à nous assoupir. Comme l’expliquait en préambule le directeur du musée d’Art moderne, Bernard Blistène, Emma Lavigne a compris depuis longtemps que “c’est la marge qui tient la page”.
Les mondes flottants, 14ème édition de la Biennale de Lyon, du 20 septembre 2017 au 7 janvier 2018. biennaledelyon.com
La liste non exhaustive des artistes :
Doug Aitken
Laurie Anderson
Davide Balula
Dominique Blais
Céleste Boursier-Mougenot
George Brecht
Robert Breer
Marcel Broodthaers
Alexander Calder
Julien Creuzet
Lucio Fontana
Lars Fredrikson
Hans Haacke
Heinz Mack
Jill Magid
Davide Medalla
Cildo Meireles
Ari Benjamin Meyers
Yuko Mohri
Ernesto Neto
Melik Ohanian
Fernando Ortega
Damian Ortega
Pratchaya Phinthong
Apichatpong Weerasethakul
Cerith Wyn Evans