Une main posée délicatement sur une joue, le regard rieur et bienveillant, Lindsay Kemp resplendit. À la fois chorégraphe, acteur et mime professionnel, ce génie britannique est devenu la figure de proue de sa discipline. Au début des années 1970, il enseigne la danse et se forge une réputation certaine. Sous son aile, des artistes talentueux dont Kate Bush (qui lui dédiera sa chanson Moving), et un certain David Jones. Avant que David Bowie ne devienne la star incontestée du glam rock au physique androgyne, Kemp lui enseigne l'art du spectacle. Outre une brève romance entre les deux, une profonde amitié les lie, les amenant à mettre en scène les shows du Ziggy Stardust Tour à Londres en 1972.
Le clip de David Bowie, “John, I'm Only Dancing”, avec Lindsay Kemp.
Né en 1938 et originaire de Birkenhead, Lindsay Kemp grandit dans la petite ville côtière de South Shields avec sa mère. Son père, un marin marchant, a péri en mer en alors qu’il n’avait que deux ans. Féru de danse depuis sa plus tendre enfance et adepte du travestissement, il imite son idole australienne Robert Helpmann, dont il deviendra l'homologue made in UK. Cependant, aux yeux de sa mère, les pointes et le maquillage ne sont réservés qu'à la gente féminine. Elle l'envoie donc dans un pensionnat, dans l'espoir qu’on le remette dans le droit chemin. Déterminé à briller sous les feux de la rampe, Lindsay Kemp intègre le Bradford Art College, il y fréquente David Hockney et étudie la danse et le mime, sous l'égide de Hilde Holger et Marcel Marceau. Moqué pendant son service militaire pour son incapacité à marcher convenablement – un désir inépuisable de danser – il demeure néanmoins solide et confiant, et forme sa propre troupe au début des 60. Intitulée “Flowers”, sa cohorte attire l'attention du grand public lors d'une apparition au Festival d'Edimbourg en 1968.
Au-delà de la danse, Kemp décrochera quelques rôles au cinéma. Parmi sa filmographie : des longs-métrages de Todd Haynes, Roy Ward Baker ou encore Derek Jarman. Il se glisse également dans la peau d'Angus Corky dans le film biographique Savage Messiah (1972) de Ken Russell qui revient sur la vie du sculpteur français Henri Gaudier-Brzeska. Un an plus tard, il interprète Alder MacGregor, le propriétaire d'un pub dans le film d'Anthony Shaffer, The Wicker Man (1973). Son ami Bowie le fait même apparaître dans son clip John, I'm Only Dancing, réalisé par Mick Rock, tandis que Kate Bush lui donne un rôle majeur dans son court-métrage The Line, The Cross & the Curve (1994). Le réalisateur Nendi Pinto-Duschunsky travaille actuellement sur un documentaire intitulé La dernière danse de Lindsay Kemp, un hommage à ce personnage de scène flamboyant.