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11 Au festival d’Automne : Boris Charmatz chorégraphie l’infini

Au festival d’Automne : Boris Charmatz chorégraphie l’infini

CULTURE

Présentée en ouverture de la 48ème édition du festival d’Automne, “infini”, la nouvelle création du jeune chorégraphe français Boris Charmatz fait et défait le temps dans une dictée de nombres infernale.

"infini", de Boris Charmatz. © Marc Domage "infini", de Boris Charmatz. © Marc Domage
"infini", de Boris Charmatz. © Marc Domage

Chaque jour sur la planète Terre, 244 000 enfants viennent au monde. Toutes les trois secondes, la naissance d’un nouvel être humain est célébrée. Un, deux ou trois anniversaires sont oubliés, d’autres pas, obligeant les fêtards à reculer leur réveil de soixante minutes le lendemain matin. Le mardi 10 septembre, il est 20 heures pétantes quand une centaine de spectateurs entrent dans le théâtre de la Ville pour assister à la représentation de la pièce infini au festival d’Automne. 

 

 

De l’infiniment petit à l’infiniment grand

 

 

Le chorégraphe Boris Charmatz l’a compris, la vie humaine est régie par les chiffres. Chaque journée est faite de comptes : les dates, les âges, le nombre d’armes vendues dans le monde et, surtout, le tempo d’une chorégraphie (en 4, 6 ou 8 temps). Dans sa nouvelle création, infini, le chorégraphe français fait des chiffres la genèse de sa pièce. Pendant une heure, il a installé six danseurs (dont il fait partie) sur une scène dénuée de tout décor. Éclairés par des ampoules disposées en cercle sur le sol, ils entrent tous au même moment et scandent le même chiffre à l’unisson : 120. Comme Salò ou les 120 Journées de Sodome. S’en suit une multitude de décomptes, déclinés à l’infini. Prononcé différemment par une des trois filles ou un des trois garçons présents sur scène, chaque nombre est accompagné d’un mouvement. Pas tout a fait dansés, ces gestes théâtraux donnent l’impression d’être à la fois écrits et improvisés. Mais infini jouit d’une précision d’orfèvre : la pièce est millimétrée et pensée pour que chaque danseur prononce le même chiffre à la seconde près. “I’m gonna live like tomorrow doesn’t exist. Like it doesn’t exist”, soudain ils chantent tous en coeur un refrain reconnaissable entre mille, celui de Chandelier de Sia. Danseurs, chanteurs, comédiens, métronomes : la performance de la troupe de Boris Charmatz est infiniment magistrale.

<p>"infini", de Boris Charmatz. © Marc Domage</p>

"infini", de Boris Charmatz. © Marc Domage

Au festival d’Automne : Boris Charmatz chorégraphie l’infini

De 120 à 1000 milliards, le décompte se poursuit et s’enflamme dans une frénésie contrôlée. Pendant les premières minutes de la pièce, les spectateurs se demandent ce qu’ils font là, assis en face de ces danseurs, qui, comme les chefs d’entreprise, sont obsédés par les chiffres. Quand ils mentionnent des âges, c'est que le chorégraphe rouquin nous emmène dans un nouveau territoire, celui de l’absurdité des chiffres. 10, 20, 30, 50 ans,  “Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée c’est pas si facile” : la plus petite des danseuses fredonne l’air si célèbre de Cookie Dingler, hommage à la femme de 50 ans, et détend une assemblée crispée par cette avalanche de nombres. 

 

 

1973, naissance de Boris Charmatz

 

 

Dans sa nouvelle création, Boris Charmatz revient sur les bases de l’apprentissage du lycée : non, en 1492, Christophe Colomb n’a pas découvert l’Amérique mais “ le clitoris”, William Forsythe est bien “né en 1949”, il est plus vieux que Michelle Obama, “née en 1964”. Avec infini, le chef de file du mouvement de la non-danse revient à la genèse de sa création : celle dans laquelle il se met en scène. Après dix ans de direction du Musée de la danse à Rennes, le chorégraphe à la renommé internationale danse à nouveau et écrit une nouvelle page dans l’histoire de sa composition chorégraphique. Originaire de Chambéry en Savoie, Boris Charmatz est avant tout l’instigateur d’une épopée dansante au rayonnement international : invité au MoMA en 2013 et à la Tate Modern, il a ouvert la saison danse de l’Opéra national de Paris en 2015. Le chorégraphe français revient poser ses valises à Paris, pour le plus grand plaisir des abonnées du festival d’Automne.

 

 

infini (2019), une pièce de Boris Charmatz, du 10 au 14 septembre au Théâtre de la Ville, puis du 13 au 16 novembre à Nanterre-Amandiers et le 19 novembre à l’Espace 1789 de Saint-Ouen, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Tournée à Amiens, Valenciennes, Bruxelles, Orléans, Bordeaux et Rennes.