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Numéro
23 L’effrayante “Mouche” de Cronenberg vole au-dessus de Paris

L’effrayante “Mouche” de Cronenberg vole au-dessus de Paris

CULTURE

Jusqu'au 1er février, le théâtre des Bouffes du Nord accueille la pièce “La Mouche”, mise en scène par les comédiens Valérie Lesort et Christian Hecq et librement adaptatée de la nouvelle du même nom de George Langelaan. Avant eux, le réalisateur américain David Cronenberg avait porté l'histoire à l'écran – dans une fable terrifiante sortie en 1986 – où l’acteur américain Jeff Goldblum se métamorphosait progressivement en mouche repoussante.

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Vendredi soir, Emmanuel Macron et sa femme Brigitte sont escortés par le cortège présidentiel jusqu’au très populaire quartier de La Chapelle, dans le Xe arrondissement de Paris. Une fois assis sur les gradins beiges du théâtre des Bouffes du Nord, ce n’est pas la promiscuité qui les effraie, mais un attroupement bruyant de manifestants en colère, agglutinés dans le hall de la salle de spectacle, prêts à tout pour interrompre la pièce qui débute. Le Président et la Première dame auraient pourtant pu s’enfuir pour une autre raison, prenant leurs jambes à leur cou, tant La Mouche est une brillante et effrayante adaptation théâtrale de la nouvelle sanglante du même nom, écrite par le Franco-Britannique George Langelaan.

Mise en scène par la plasticienne Valérie Lesort et l’acteur et sociétaire de la Comédie Française Christian Hecq, La Mouche investit la scène privée des Bouffes du Nord pour quasiment un mois. Avant de faire parler d’elle par la présence d’Emmanuel Macron dans le public, la pièce à su attirer les amateurs de théâtre mais surtout les inconditionnels de l'oeuvre du cinéaste américain David Cronenberg, qui a lui-même adapté la nouvelle en un long-métrage traumatisant.

 

D’abord confié à Tim Burton, ce dernier refuse finalement le projet. La Mouche est alors réalisé en 1986 par le cinéste qui fait des corps des champs de bataille (rappelant la peinture de Francis Bacon) et des terrains d’expérimentation : le canadien David Cronenberg. Alors qu’il a déjà réalisé neuf longs-métrages, celui qui aime apparaître dans ses propres films (Frissions, Vidéodrome) imagine un remake effrayant de La Mouche noire (1958), de Kurt Neumann, lui-même adapté de la nouvelle de George Langelaan.

 

Bande-annonce de “La Mouche” (1986) de David Cronenberg

Contant l’histoire d’un scientifique barré qui rêve de téléportation, le film de David Cronenberg emmène le cinéaste vers la reconnaissance mondiale. Cinq heures par jour de pose de prothèses et de maquillage ont été nécessaires pour le personnage de Seth Brundle (campé par l’excellent Jeff Goldblum) se transformant peu à peu en mouche géante – du fait d’un vice de procédure au cours de ses expériences scientifiques. Le réalisateur acclamé de Cosmopolis (2012) fait appel à la plantureuse Geena Davis pour incarner le rôle de la malheureuse compagne de l’homme-mouche. Cinq ans plus tard, elle devient une icône féministe, formant un tandem aussi glamour que criminel avec Susan Sarandon dans Thelma et Louise (de Ridley Scott). Quant à La Mouche, le film effraie toute une génération, l’empêchant à tout jamais de supporter le bruit des vrombissements de l'insecte.

“La Mouche” (2019) de Valérie Lesort et Christian Hecq © Fabrice Robin “La Mouche” (2019) de Valérie Lesort et Christian Hecq © Fabrice Robin
“La Mouche” (2019) de Valérie Lesort et Christian Hecq © Fabrice Robin

Une scénographie de génie

 

Une caravane vétuste, une cuisine sale mais toute équipée, un laboratoire douteux, une machine à téléportation bricolée, un jardin fleuri, des nains de jardin en céramique, un Jack Russell aussi silencieux qu’un chat… Si la mise en scène de La Mouche brille par le jeu de ses acteurs, son écriture humoristique, son suspense insoutenable et ses projections d’hémoglobine ultra maîtrisées – pourtant difficiles à mettre en œuvre au théâtre, le panel de trucages étant plus limité qu'au cinéma – elle impressionne aussi par ses décors plus vrais que nature, montés sur la scène des Bouffes du Nord. Tous près des spectateurs (le premier rang fait quasi corps avec la scène), la pièce se révèle aussi réjouissante qu'impressionnante, tant la scénographie est montée d'une main de maître.

 

Dans cette version 2.0 de La Mouche – sorte d'hybridation entre l'univers loufoque de l'émission Strip-tease La soucoupe et le perroquet et l'histoire portée à l'écran par David Cronenberg – Robert, un vieux garçon, vit reclus avec sa mère Odette dans un terrain vague de la France rurale des années 60. Comme dans le film, il rêve de parvenir à se téléporter, mais une mouche vient contrecarrer ses plans. Sa singularité : il est atteint d'une sorte d'autisme et s'éprend d'une femme, Marie-Pierre, qui semble atteinte de la même condition que lui. D'un début porté par les interactions cocasses d'un vieux couple mère-fils, à un dénouement qui tend vers la comédie policière, en s'achevant sur un final gore et spectaculaire : la pièce de Valérie Lesort et Christian Hecq réconcilie les inconditionnels du théâtre de boulevard potache avec les amateurs de cinéma morbide. Entre rire, sursaut et dégoût, elle réunit des spectateurs qui passent un merveilleux instant théâtral.

 

La Mouche, jusqu'au 1er février au théâtre des Bouffes du Nord, Paris Xè.

 

“La soucoupe et le perroquet” de Strip Tease (1993)