1 bourse d’études, 4 prix gagnés et seulement 3 collections
À peine entré à la prestigieuse Central Saint Martins School, Richard Quinn tape dans l’œil de la maison Stella McCartney et se voit offrir une bourse pour ses études. En 2016, une fois son diplôme obtenu, il rafle le H&M Design Award 2017 (50 000 € à la clé) et commercialise une collection sous l’égide du label pour la saison automne-hiver 2017. Bon départ pour une maison qui n’en est qu’à ses balbutiements.
En avril 2017, c’est au tour du British Fashion Council de remarquer le créateur. Nommé dans la catégorie NewGen (créateurs émergents à suivre), il est exposé durant la Fashion Week de Londres au sein des LFW showrooms, puis, un peu plus tard dans l’année, remporte finalement le prix NewGen. Un ticket d’entrée pour le calendrier officiel. En février 2018, Richard Quinn défile ainsi pour la première fois à Londres, pour les collections automne-hiver 2018-2019.
À l’occasion de cette Fashion Week, la reine Elizabeth II, qui pourtant s’est toujours tenue éloignée des affaires de mode du royaume, inaugure un nouveau prix destiné aux jeunes designers : le Queen Elizabeth II Award for British Design reconnaît enfin “le rôle de l’industrie de la mode dans la société et les relations diplomatiques”. Non seulement Richard Quinn se le voit remettre des mains mêmes de la reine, mais, pour la toute première fois de ses 65 ans de règne, Elizabeth II assiste à un défilé de prêt-à-porter. Une consécration pour le jeune créateur qui triple alors le nombre de ses points de vente dans le monde (de 15 à 45) et devient ainsi le nouveau visage de la mode anglaise. En décembre 2018, enfin, le British Fashion Council décerne au jeune Richard Quinn le prix du British Emerging Talent Womenswear.
Un style qui mélange coupes victoriennes, imprimés Liberty et références punk
Extravagante voire too much, la mode anglaise se distingue par son goût pour une expérimentation revisitant son héritage, comme en attestent des créateurs tels John Galliano, Alexander McQueen ou encore Christopher Kane. Dès sa collection de fin d’études, et jusqu’à celle présentée en septembre dernier (printemps-été 2019), Richard Quinn mixe ainsi des inspirations victoriennes et couture, des références punk, des imprimés Liberty et surtout des silhouettes inspirées de la reine Elizabeth II, qui s'épanouissent en collections maximalistes teintées d’humour et d’impertinence.
Sans complexes, les robes de bal et manteaux à traîne côtoient silhouettes 50’s, allures 70’s, carrures 80’s et doudounes 90’s, et se déclinent principalement dans des imprimés fleuris, tour à tour baroques, tropicaux, romantiques ou estivaux dans une exubérance colorée qui frôle parfois l’overdose et le mauvais goût. Présentes sur toutes les pièces du vestiaire, des chaussures à la cagoule, et déclinées dans différentes matières et textures, les fleurs s’imposent comme une signature à part entière dans la mode de Richard Quinn. Esquivant toujours le piège de la mièvrerie, il n'hésite pas à accentuer certaines de ses silhouettes en faisant défiler ses mannequins visage et cheveux entièrement masqués de cagoules SM ou de casques intégraux façon motard. Au milieu de ses bouquets garnis, il injecte total looks de velours noir, combinaisons à pois, robes en cuir, vestes en latex, électrisés par des touches de jaune flashy ou des Zip.
À mi-chemin entre Martin Margiela, Balenciaga version Demna Gvasalia et Thierry Mugler, la mode façon Richard Quinn radicalise le style britannique sans le départir de ses références historiques. Une vision et des créations qui ont non seulement convaincu la reine, mais aussi des pop stars comme Lady Gaga et Beyoncé, ou encore Amal Clooney.
Beyoncé en Richard Quinn
Amal Clooney en Richard Quinn
Une révolution dans les techniques d’impression et un studio portes ouvertes
Au-delà de son utilisation intensive des imprimés fleuris (qui ont même abouti à une collaboration avec Liberty) et de la créativité de ses collections multi-récompensées, Richard Quinn se distingue également par son esprit d'innovation technique, son sens du business, et sa collaboration avec les jeunes talents.
Si le jeune créateur se passionne très tôt pour les imprimés (il débute son cursus à Central Saint Martins par une spécialité dans le graphic design), il va développer son propre studio d’impression digitale avec la marque japonaise Epson (et l'appui financier du prix H&M) où il privilégie la sublimation (impression thermique) plutôt que la sérigraphie (impression au pochoir). Rapide, cette production in-house offre aussi au créateur une extrême réactivité en termes de délais et une grande flexibilité de production (un avantage écologique autant qu'économique). Elle lui permet en outre d’expérimenter l’impression sur différentes matières et matériaux.
Son studio d’impression dernier cri, Richard Quinn le met également au service des maisons (JW Anderson et Burberry) et des étudiants en école de mode et de design. Ces derniers étaient d'ailleurs invités à assister à son défilé printemps-été 2019 ainsi qu’à différents workshops. Un état d’esprit qui encourage la créativité et le partage au sein de l’industrie et qui fait du Londonien un créateur vraiment à part.