Lianne La Havas - Green and Gold
Une sensation de flotter dans un rêve chaud et enveloppant. Une évasion au goût vaguement illicite tant la voix est exquise et le tempo ensorcelant. Voilà l’effet que produit la musique de Lianne La Havas, dont la voix profonde enchante la Grande-Bretagne depuis 2011. Entre ses envolées rythmiques affolées, ses refrains hypnotiques et ses morceaux bruts ponctués de quelques simples accords de piano, on ne saurait réduire la musique de la jeune femme à un seul genre.
Rappelant l’univers d’Adèle, en plus doux, plus convivial, son premier album Is Your Love Big Enough laissait avant tout entendre une voix puissante, capable d’embrasser une tessiture incroyablement vaste. C’était en 2012. Lianne La Havas entrait alors avec fracas sur la scène britannique, déjà forte d’un coffre rivalisant avec les plus belles voix hybrides, inclassables. Sa guitare en main, elle y explorait les styles, dans une douceur piquée d’une énergie folle que l’on entend vrombir sourdement dans tous ses morceaux. Nommé au Mercury Prize pour le meilleur album britannique de l'année ainsi qu'aux Ivor Novello Awards pour sa composition, ce premier album a directement propulsé la jeune musicienne sur le devant de la scène. Devenue la petite protégée de Prince — qui a carrément donné un concert chez elle en 2014, dans son appartement londonien—, acclamée par Stevie Wonder, Lianne La Havas, alors âgée de 23 ans, signait un démarrage en trombe.
Le jazz n’est jamais très loin derrière elle. D'origine grecque et jamaïcaine, sa musique puise ses sources dans des racines variées. Un hommage infini à Aretha Franklin. À Prince aussi. Sous la bannière du R’n’B, la chanteuse affiche des inspirations effrontées qui viennent nourrir ses chœurs détonants. Alicia Keys, Laura Mvula... La liste est longue et participe à la richesse de Lianne La Havas. Si ses doigts caressent presque continuellement les cordes de sa guitare acoustique, son deuxième album Blood, sorti en 2015, invite des cuivres puissants et des rythmes déchainés. Tout en pleins et déliés, en contretemps osés qui saluent Amy Winehouse à l’occasion. Que sa voix tendre ne vous trompe pas : la chanteuse est capable des plus grands sauts, comme le prouve Never Get Enough, son titre aux allures d’oxymore hardi. Un énorme cri punk fait exploser la tendresse des ballades et l’image docile de la chanteuse dans le même temps. Car Lianne La Havas est aussi capable des titres les plus corrosifs, faisant rugir sa voix dans des aigus survoltés.
"Never Get Enough" - Lianne La Havas
Plaçant ses amours tumultueuses au cœur de ses paroles, la chanteuse londonienne est déjà l’emblème des ruptures les plus déchirantes. Comme un cadeau à tous les cœurs brisés, ses élucubrations font l’effet d’un pansement inattendu. Consolation cathartique, ses morceaux sont comme un livre ouvert dans lequel se dessinent ses fresques sentimentales. Sur scène, elle pousse à l'extrême une fragilité distillée ici et là entre deux envolées puissantes, qui donne à ses concerts l'apanage de précieux moments de communion. Aux côtés de Corinne Bailey Rae, elle a même figuré parmi les guest stars d'un concert de Stevie Wonder à Hyde Park en juillet 2019.
Proche des univers d’Alice Smith ou même de Raveena, la musique de Lianne La Havas se pare d’élégance et de précision que viennent toujours contrebalancer des expérimentations plus électriques. Sa voix vient s'ajouter à celles de femmes artistes impétueuses, débordantes d'une créativité sans limites. Ces cinq ans d'attente furent longs. En concert à Londres, à Los Angeles, à Berlin et en Belgique à partir du 4 mars prochain, le troisième album de la chanteuse se profile doucement à l’horizon, esquissé par son nouveau single Bittersweet.
Lianne La Havas - Bittersweet | A COLORS SHOW