Les portraits pas si anonymes d’Elsa & Johanna
Elsa & Johanna, “A Couple of Them” (2014-2016). Courtesy Galerie La Forest Divonn, 2016.
Elsa & Johanna, “A Couple of Them” (2014-2016). Courtesy Galerie La Forest Divonn, 2016.
Au cœur du secteur Curiosa, on découvre un mur entièrement peint en jaune habillé d’une trentaine de portraits, mettant en scène des modèles dans des situations des plus triviales. Intitulée A couple of them, cette série est le produit de deux ans et demi de travail réalisé par Elsa Parra et Johanna Benaïnous, formant ensemble le duo Elsa & Johanna. Ces deux jeunes femmes s’incarnent ici dans un vaste trombinoscope de personnages du quotidien, tels que l’on pourrait les croiser entre la France et New York : masculins et féminins, de tous styles et de tous âges, capturés aussi bien dans les rayons d’un supermarché qu’au bord d’une plage, ceux-ci fixent tous l’objectif comme pour défier le spectateur. En interprétant ces personnages plus vrais que nature dans des environnements authentiques, Elsa & Johanna questionnent la part de vérité du portrait d’anonymes avec un décalage saisissant.
Secteur Curiosa, galerie La Forest Divonne (Paris).
Les jeunes athlètes de David Meskhi
David Meskhi, “Gold of Light” (2018). Courtesy the artist and Galerie Kornfeld
David Meskhi, “Carpet sunrise 06” (2019). Courtesy the artist and Galerie Kornfeld
Face à l’installation d’Elsa & Johanna, on découvre les minutieuses images de David Meskhi, fragments sensibles de corps d’athlètes en action. Figés en plein salto arrière, en cours de traction ou lors d’un saut en hauteur dans leurs salles d’entraînement, ces jeunes hommes s’intègrent à des compositions épurées, où leurs silhouettes semblent suspendues dans un espace structuré par des aplats de teintes douces. Si l’on pense parfois aux corps en lévitation d’Aaron Siskind, flottant sur fonds blancs, les images de David Meskhi y ajoutent un travail sur la lumière et la couleur qui mènent leur décor vers l’abstraction. Basé à Berlin, cet artiste Géorgien pose ainsi un autre regard sur la photographie de sport, ici esthétisé dans une grande délicatesse qui frôle la sensualité.
Secteur Curiosa, galerie Kornfeld (Berlin).
Les portraits de poussière de Thomas Hauser
Thomas Hauser, “The Wake of Dust, (Hugo #2). 2015” (2019). Courtesy the artist and Un-spaced
Thomas Hauser, “Hugo (Figure #2). 2015” (2019). Courtesy the artist and Un-spaced
Des corps et paysages sombres couleur sépia semblent balayés de l’intérieur par une lumière immanente à l’image. Au secteur Curiosa, les tirages de Thomas Hauser se libèrent du papier photo pour revenir à la microscopique concrétude de la photographie : la matière pigmentaire. En utilisant tantôt des imprimantes laser défectueuses, tantôt des poudres de toner qu’il disperse sur le papier, l’artiste français épuise l’image par l’impression : en résultent des images spectrales qui semblent en cours d’effacement, dont le support resurgit même, par endroits, au premier plan. Outre la bidimensionnalité de ces tirages, Thomas Hauser investit également la sculpture avec ses “modules”, des compositions jamais fixées qui mêlent des tirages argentiques petit format à des morceaux de marbre, de cuivre, de zinc ou de verre assemblés.
Secteur Curiosa, galerie Un-Spaced (Paris).
La nature fantasmée d’Elsa Leydier
Elsa Leydier, “Untitled #7” de la série “Plátanos con platino” © Elsa Leydier, courtesy Intervalle
Elsa Leydier, “Untitled #3” de la série “Braços Verdes e olhos Cheios de Asas” © Elsa Leydier, courtesy Intervalle
Partagée entre la France et le Brésil depuis 4 ans, Elsa Leydier explore le territoire latino-américain en prenant des images de la nature, qu’elle retravaille ensuite en y ajoutant de vives couleurs : celles-ci se voient alors dotées d’un pouvoir onirique qui sublime les nombreuses ressources de la région amazonienne. Lauréate cette année du prix pour la photographie décerné par Ruinart, la jeune artiste a également été invitée en septembre dernier dans la cuverie de la maison de champagne lors de la période des vendanges. Marquée à la fois par la forte chaleur due au réchauffement climatique et le savoir-faire des vignerons, elle réalise une série de radiogrammes en posant directement des feuilles de vigne et des grappes de raisins directement sur le papier photosensible, ainsi que des tirages colorés par les filtres utilisés pour protéger le champagne de la lumière, qu’elle présente au Grand Palais sur le stand réservé à la maison.
Stand du prix de la maison Ruinart et secteur Curiosa, galerie Intervalle (Paris).
Les peintures vues du ciel de Jérémie Lenoir
Jérémie Lenoir, “N°1 #6560590”, Salt lake, (2017). Courtesy the artist and galerie Guillaume
Jérémie Lenoir, “N°3 Stockage”, La Courneuve (2019). Courtesy the artist and galerie Guillaume
Au premier étage du Grand Palais, on pénètre dans une installation composée de tirages ressemblant à s’y méprendre à des peintures abstraites. Reliés par leur remarquable rectitude, ces surfaces sont en réalité des photographies de paysages vus du ciel par Jérémie Lenoir qui cherche à y traduire le caractère transposable de territoires dont on ne discerne plus l’origine. Cet artiste français explore aussi bien les chantiers en périphérie de Paris que le Great Salt Lake dans l’Utah en suivant toujours le même protocole : une recherche préliminaire d’environ 6 mois, suite à laquelle il définit une quarantaine de lieux à visiter. Plutôt qu’utiliser un drone, l’artiste embarque dans un petit avion pour survoler les lieux en veillant à conserver toujours la même hauteur au-dessus du sol, et profite d’une inclinaison de l’avion à 60° pour sa prise de vue. C’est donc lors de cet instant aussi fugace que vertigineux qu'il cherche à obtenir l’image parfaite.
Secteur Prismes, galerie Guillaume (Paris).
Les photos de famille textiles de Zohra Opoku
Zohra Opoku, “Bob's Cloth” (2017). Courtesy the artist and Mariane Ibrahim Gallery
Zohra Opoku, “The Traveller's Tree” (2019). Courtesy of the artist and Mariane Ibrahim Gallery
Déroulés contre les murs du fond du secteur Prismes, de larges panneaux en tissu sérigraphié déploient des portraits majestueux : devant des décors végétaux foisonnants se tiennent debout des hommes vêtus de capes élégantes. Née en Allemagne de l’Est et d’origine ghanéenne, Zohra Opoku revisite ici les coutumes et l’histoire du Ghana à travers le prisme de sa propre descendance et ses souvenirs épars. Désireuse de proposer un regard qui croise tradition et époque contemporaine, l’artiste recompose un récit familial fragmentaire en faisant incarner par ses frères et neveux les statuts d’autorité qui leur doivent être transmis, exprimés par leur tenue et leur posture souveraine. Imprégnée par ses débuts en tant que créatrice de mode, Zohra Opoku imprime par sérigraphie ses mises en scène photographiques sur textile où elle reprend les motifs du Kente, un tissu à rayures traditionnel du Ghana.
Secteur Prismes, galerie Mariane Ibrahim (Chicago).
Paris Photo 2019, du 7 au 10 novembre au Grand Palais, Paris 8e.