Regarder une série en 2019 qui ne soit pas Game of Thrones (l’ultime saison du mastodonte débute en avril) signifie avoir surmonté une forêt de sollicitations plus ou moins désirées, tenter de rester clair avec son désir dans une nuée de possibilités. John Landgraf, patron de la chaîne FX qui, depuis une quinzaine d’années, a mis à l’antenne The Shield, Nip/Tuck ou encore The Americans, a trouvé il y a quelques printemps un mot pour définir ce moment que nous traversons collectivement : “Peak TV”, soit l’idée que la télé (au sens large du terme) serait parvenue à son pic de production.
Le problème, c’est que ce pic grandit de manière constante, au point que nous en sommes arrivés, l’année dernière, au chiffre légèrement étouffant de 495 séries diffusées en douze mois, aux États-Unis seulement – à multiplier par le nombre d’épisodes que contient chaque saison, au minimum une dizaine. À la fin des années 2000, il n’y en avait même pas la moitié : cela laisse entrevoir la concurrence effrénée que se livrent les chaînes historiques, les acteurs du câble et les géants du streaming pour abreuver la planète de ce que chacun appelle maintenant du “contenu” – façon cavalière et parfois déprimante de nommer les images en mouvement et les récits qui nous animent. L’une des plus belles aiguilles dans cette immense botte de foin s’appelle Better Things. Ne pas la connaître n’a rien de grave, mais on peut espérer que cela ne durera pas trop. Créée en 2016, cette comédie dramatique en épisodes d’une trentaine de minutes façonnés comme de mini-contes moraux, raconte la vie de Sam Fox, une actrice divorcée qui essaie de trouver sa place à Hollywood tout en élevant ses trois filles, dont deux sont des adolescentes. Adlon joue quasiment son propre rôle puisque cette quinquagénaire pétulante a traversé plusieurs décennies sous les palmiers de Los Angeles en multipliant les petits rôles et une flopée de voix off sur des dessins animés.
“Better Things” Saison 3 - Bande Annonce - CANAL+
La carrière de Pamela Adlon a conservé un cap constant jusqu’à sa rencontre avec l’humoriste Louis C.K., qui lui a offert un rôle dans sa série Louie avant de créer avec elle Better Things. À l’automne 2017, en pleine diffusion de la deuxième saison de cette dernière, le New York Times a révélé plusieurs affaires de comportement sexuel inapproprié concernant Louis C.K. Pamela Adlon s’est alors immédiatement séparée de lui professionnellement. Quinze mois plus tard, la troisième saison de Better Things est la première où le nom de son ancien meilleur ami n’apparaît plus. La vie ayant toujours infusé la fiction, cela semble logique que la série survive à cette péripétie, d’autant
que Better Things a toujours raconté en creux la libération de son héroïne. Pour cette nouvelle salve d’épisodes qu’elle a entièrement réalisés, Adlon s’est entourée d’une équipe d’écriture majoritairement féminine, faisant notamment appel aux services de Sarah Gubbins, responsable de l’excellente série féministe I Love Dick. L’introspection se poursuit autrement. Un monde s’ouvre. La poésie constante de Better Things va maintenant s’épanouir sans limites.
Better Things, saison 3, sur Canal Plus séries et MyCanal.