1. Une école qui a réuni toute l’avant-garde allemande et européenne
L’histoire commence à Weimar. Deux institutions se regardent en chiens de faïence : les beaux-arts et l’école des arts appliqués. En 1919, l’école du Bauhaus est créée dans le but de réunir ces deux établissements. Fondée par Walter Gropius, celle-ci comptera des enseignants de renom tels que Vassily Kandinsky (atelier gravure), Paul Klee (tissage et peinture sur verre), Johannes Itten (atelier textile et métal) ou Marcel Breuer (charpenterie).
2. Artistes et artisans unissez-vous !
Inspirés par l’anglais William Morris, et son mouvement “Arts and Crafts” (qui voulait empêcher l’industrialisation progressive) les membres du Bauhaus veulent réconcilier l’art, l’architecture et l’artisanat. L’ADN de ce mouvement repose principalement sur ce désir d’unité.
3. Utopie d’une nouvelle société ?
Après la révolte spartakiste qui a conduit aux ruines de l’empire germanique, les idées révolutionnaires imbibent les artistes. Désireux de bâtir via l’art une nouvelle société démocratique, une poignée d’idéalistes veulent révolutionner l’habitat et injecter de l’art dans les objets du quotidien. Critiques envers la révolution industrielle qu’ils accusent de favoriser le profit au détriment du beau, les créateurs du mouvement vont néanmoins tirer profit de celle-ci en utilisant les progrès technologiques et scientifiques pour imaginer un mobilier aussi fonctionnel qu'esthétique, qui respecte les codes de la géométrie et de la rigueur.
4. Le mouvement prend une ampleur internationale
Du 15 août au 30 septembre 1923 a lieu une première grande exposition Bauhaus à Weimar. Avec des concerts, des conférences et des représentations sur scène pendant la semaine du Bauhaus, le courant artistique acquiert une renommée nationale et internationale.
“Tout à coup j’ai pris conscience que je devais prendre part à quelque chose de complètement nouveau, qui changeraient les conditions dans lesquelles j’avais vécu jusqu’à présent.” Walter Gropius
5. Une démocratisation impossible.
Produire en série des objets aussi pratiques qu’artistiques pour toutes les classes sociales. Tel était le principe fondateur de Walter Gropius, qui n’aura malheureusement jamais pu être réalisé. Fabriquée à la main, cette production qui devait répondre à un cahier des charges très strict de la part de l’École ne sera jamais vendue à un prix abordable.
6. Les directeurs
Le fondateur Walter Gropius démissionne de ses fonctions de directeur du Bauhaus le 1er avril 1928, proposant Hannes Meyer de lui succéder. Les premiers modèles Bauhaus sont vendus à l'industrie pour la production en série. En 1930, le gouvernement local de Dessau rejette Hannes Meyer qui nommera l'architecte Ludwig Mies van der Rohe.
7. Les Nazis mettent un terme à l’évolution du Bauhaus en Allemagne
Obligée de déménager de Weimar à Dessau une première fois, l’école doit à nouveau partir lorsque les nazis remportent les élections municipales. Considérée comme "dégénérée", taxée de "bolchévisme culturel”, c’est finalement dans une ancienne usine de téléphones à Berlin que l'école trouve refuge. Un temps qui ne durera pas, l'arrivée au pouvoir en 1933 de Hitler signant le glas de l'aventure. Le 19 juillet, la dissolution est prononcée par le corps professoral.
8. Une Diaspora propage la culture de ce courant artistique dans le monde. Notamment à Tel-Aviv.
Même si le mouvement est interrompu sur le sol allemand, celui-ci se diffuse partout à travers le monde grâce à une diaspora d’artistes. Une poignée d’étudiants décide de partir pour la Palestine, tout comme des milliers de juifs européens qui fuient l’antisémitisme. Des années 30 à 1948, ils construisent la ville blanche de Tel-Aviv, devenue la plus moderniste du Moyen-Orient. Désireux d’adapter le style “Bauhaus” au climat méditerranéen, des architectes comme Le Corbusier ont l’idée de mettre les villas sur pilotis, ce qui permet de transformer les rez-de-chaussée en jardins, et de libérer la brise de mer qui peut ventiler la ville. D’autres, réduisent les surfaces vitrées des bâtiments tandis que des balcons sont installés, afin d'apporter fraîcheur, ombre et vues. Devenu un véritable musée à ciel ouvert, classé au Patrimoine de l’Unesco, la métropole dévoile des centaines d’immeubles aux façades blanches et lignes graphiques (toits terrasses, angles et balcons arrondis.)
“Tel-Aviv était ma ville natale, je suis partie à vingt et un an pour découvrir l’architecture en Italie. Quand vous passez des années dans un environnement délaissé, vous ne le l’appréciez pas à sa juste valeur. Mais quand vous revenez avec un œil professionnel, vous vous rendez compte que sous la poussière, il y a un trésor.” Nitza Szmuk, architecte israélienne.
La "Bruno House" Tel-Aviv, 1933, photo Amit Geron
L'hôtel cinema, Tel-aviv-israel, photo Culture Trip
9. L’architecture moderne devenue modèle universel
Pendant l’exode, les grands professeurs quittent l’Allemagne pour l’Amérique et y imposent leurs styles. Plus tard, ils redessinent New York et font éclore des gratte-ciels à Chicago. Véritable mariage, les idées de l'École du Bauhaus fusionnent alors avec les techniques de construction en acier et en verre des États-Unis, ce qui donnera naissance au style international. En rupture totale avec les traditions du passé, ce mouvement architectural qui se caractérise par des volumes aux surfaces lisses et sans ornementation, représente la majeure partie de l’architecture des Trente Glorieuses. Aujourd’hui, l’influence du Bauhaus s’est tellement diluée, qu’elle est désormais difficile à identifier. N’importe quel bâtiment blanc au balcon arrondi, meuble ou objet Ikea peut être considéré comme ”Bauhaus”.
10. Le mythe finalement à porté de main
Avec des créations iconiques comme les fauteuils (siège B3 surnommé "Wassily" par Marcel Breuer), les lampes de Wilhelm Wagenfeld ou les théières de Marianne Brandt aux formes épurées et géométriques… Le Bauhaus aura une profonde influence sur le mobilier et tous les objets du quotidien. Aujourd’hui, les originaux étant inaccessibles, il est désormais possible de s'offrir une version actuelle. En effet, les grandes maisons de design rééditent des pièces iconiques de ce courant toujours très influent, à l’image du célèbre cendrier Marianne Brandt chez Alessi. Si ces rééditions industrielles sont considérées par certains comme antinomiques avec le concept du Bauhaus qui reposait sur l’artisanat, celles-ci permettent toutefois de réaliser le rêve initial des créateurs du mouvement : offrir un objet design au plus grand nombre…