Fantasme et folie : le Palais Idéal du Facteur Cheval dans la Drôme
10 000 journées, 93 000 heures, 33 ans d’épreuves : le Palais Idéal du Facteur Cheval n’a, encore aujourd’hui, aucun égal. Installé dans la Drôme, cet étrange monument orné de centaines de sculptures en pierre a été construit entre 1872 et 1912, dans le potager d’un certain Ferdinand Cheval, un facteur de Hauterives qui marchait chaque jour 30 kilomètres pour effectuer ses tournées. “Que fait un homme seul à marcher toute la journée ? Il rêve” expliquera ainsi ce dernier, s'imaginant alors un château qu'il finira par construire entièrement seul, avec les pierres qui jonchent le bord de ses chemins quotidiens. Au gré de ses trajets, il les amasse dans son son sac ou revient le soir, avec une brouette, pour porter les plus lourdes. Il entame avec celles-ci la construction de son palais la nuit, équipé d’une bougie et de quelques outils de fortune tels qu’un seau, une casserole ou une cuillère… Ouvert au public depuis 1905 et classé monument historique par André Malraux en 1969, le Palais Idéal du Facteur Cheval ne cesse de fasciner les 300 000 visiteurs qui s’y rendent chaque année, tout autant que de grands noms de l’art qui y ont puisé leur inspiration tels que Pablo Picasso, Max Ernst ou bien Jean-Michel Othoniel.
Le Palais Idéal du Facteur Cheval, 8 Rue du Palais, Hauterives (Drôme).
Le MusVerre : la verrerie dans tous ses éclats à Sars-Poterie
Depuis le 17e siècle, les métiers des arts du feu règnent en maître à Sars-Poterie (Hauts-de-France). Grâce au sous-sol argileux et siliceux de cette petite commune, les habitants maîtrisent la poterie et soufflent le verre depuis plusieurs centaines d'années, au point d’en faire, au 19e siècle, l’un des centres névralgiques de l’industrie verrière française. De cette période d’activité intense subsistent les “bousillés”. Ces délicates pièces de verre créées par les verriers sur leur temps de pause sont à l’origine du premier Musée du Verre ouvert en 1969, puis de la création, en 2016, du MusVerre. Imposant, ce large bâtiment gris ultra-moderne et robuste cache entre ses murs la plus grande – et la plus fragile – collection d’œuvres contemporaines en verre de France. Installations de plusieurs mètres, petites coupes précieuses, créatures animales ou inventions végétales… De salles en salles, le verre y brille de tous ses éclats, soufflé ou brisé, translucide ou coloré, au gré des expositions thématiques qui y sont organisées. Dernière en date : “Trop plein”, remplie d’œuvres d’artistes internationaux explorant le thème de la surconsommation au travers de créations engagées ou de trompe-l’œil stupéfiants.
Exposition “Trop plein”, jusqu’au 5 janvier 2025 au MusVerre, 76 Rue du Général de Gaulle, Sars-Poteries (Hauts-de-France).
Le MIAM : sur le port de Sète, un cabinet d'art et de curiosités
C’est un musée qui ne ressemble à aucun autre : ici, pas de sculpture ou de peinture mais une multitude d’objets du quotidien. Un dentifrice, des cannettes de Coca-cola, des bâtons de sucettes, des statuettes en papier mâché… Sur une idée des artistes Hervé Di Rosa et Benard Belles, le MIAM (Musée International des Arts Modestes) est inauguré en 2000, dans un chai du port de Sète réaménagé par l’architecte Patrick Bouchain (à l’origine, du Lieu Unique à Nantes ou de la Condition publique à Roubaix). Derrière sa façade colorée qui contraste aujourd'hui avec celles des petites boutiques et du parking qui le jouxtent, l’endroit cache entre ses murs quelques trésors d'art modeste (courant artistique français des années 80). On y visite ainsi un jardin de mauvaises herbes imaginé par l’artiste Liliana Motta comme on y croise quelques créations réalisées spécialement pour l’ouverture du musée, telle qu’une figure anthropomorphique des frères Calixte et Théodore Dakpogan, fabriquée à partir d’un capot de voiture, d’un morceau de poubelle et d’un panneau de signalisation. Bref, les artistes exposés au sein du musée en font feu de tout bois et transforment tous ces objets ce que l’on oublie sur nos étagères ou dans nos déchets en de curieuses œuvres d’art.
Le Musée International des Arts Modestes, 23 Quai Maréchal de Lattre de Tassigny, Sète (Hérault).
À la Piscine de Roubaix, plongée dans l’art des 19e et 20e siècles
Autour du bassin de la Piscine de Roubaix, les baigneurs des années 30 ont laissé place à une ribambelle de sculptures, tandis que les cabines de douche se sont elles transformées en vitrines, peuplées de créations textiles qui ont contribué à la prospérité de la ville à cette même période. Éclairée par les couleurs chaudes de deux somptueux vitraux Art déco, la riche collection du musée — Camille Claudel, Édouard Vuillard, Raoul Dufy, Emile Bonnard, Auguste Rodin — semble avoir enfin avoir trouvé un écrin à sa hauteur… Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Ouverte dans les années 30, l’institution a abrité pendant près de cinquante ans une piscine, des baignoires, un salon de coiffure ou encore une laverie, avant de fermer suite au risque d’effondrement de sa voûte, au grand damn des Roubaisiens. Mais le somptueux décor Art déco du lieu lui offre une seconde vie lorsqu’en 1989, le conservateur Bruno Gaudichon est chargé de trouver un nouveau musée pour la ville qui n’en possède alors plus aucun. Après de fastidieux travaux, la Piscine rouvre ses portes en 2001 pour entreposer les collections de l’ancien musée national de la ville. Et, si elle n’accueille plus de baigneurs, elle conserve néanmoins la quasi-totalité de son architecture d’origine, y compris son magnifique bassin, autour duquel les visiteurs peuvent aujourd'hui prendre une pause, entre une exposition du sculpteur français Pascal Barbe (né en 1957) et une autre explorant les trésors de la collection du musée, de Victor Hugo à Jean Cocteau en passant par Edouard Vuillard.
Expositions “Pascal Barbe. La fissure - Le passage, 1992-1995” et “Compagnons d'une vie : une donation à La Piscine”, jusqu’au 26 mai 2024 à La Piscine, musée d'art et d'industrie André Diligent, 23 Rue de l'Espérance, Roubaix.
Le couvent des Jacobins de Rennes : quand l’art réveille l’histoire
Construit à la fin du 14e siècle, le couvent des Jacobins de Rennes a longtemps été un édifice religieux. Il est cependant reconverti en caserne en 1793, classé monument historique en 1991 et, finalement, vendu par l’armée pour un euro symbolique en 2002 à la ville bretonne. Dès lors, l’institution cesse de prendre la poussière et se transforme en centre culturel de premier plan dans la région. Il accueille en 2008 et 2010 la biennale d’art contemporain de Rennes avant de se transformer, en 2018, en Centre des Congrès. La nef est réaménagée et devient alors un large auditorium de 400 places, tandis les murs en pierres de taille du bâtiment se transforment en cimaises et deviennent progressivement l’écrin de prestigieuses manifestations artistiques organisées par la collection Pinault, qui y dévoilait en 2023 quelques uns de ses trésors hors de ses lieux parisiens.
Couvent des Jacobins - Centre des Congrès de Rennes Métropole, 20 Pl. Sainte-Anne, Rennes.
Le château d’eau de Toulouse, chambre noire de la création photographique
En plein cœur de la ville rose, un large phare en brique rouge trône au bord de la Garonne. Mais il ne s’agit ni d’un point de repère pour les marins, ni d’un réservoir, comme son nom semble pourtant l’indiquer. Depuis près de cinquante ans, le château d’eau de Toulouse n’est autre qu’une galerie, où sont organisées de nombreuses expositions photographiques. Construit au début du 19e siècle afin de redistribuer l’eau du fleuve aux habitants de la ville, le bâtiment et son réseau hydraulique deviennent très rapidement obsolètes et sont finalement abandonnés dès 1870. Alors que la municipalité en fait un dépôt d’outillage pendant près d’un siècle, le rez-de-chaussée est transformé en galerie d’art à partir de 1974 et s’accompagne, cinq ans plus tard, d’une riche bibliothèque, nichée sous une arche du pont neuf adjacent. Photographes émérites (Raymond Depardon, David Burnett) ou jeunes talents émergents : le château d’eau de Toulouse accueille depuis son ouverture l’univers pluriel de nombreux artistes, plongé dans l’obscurité et la fraîcheur de ses briques.
Galerie Le Château d’Eau, 1 Pl. Laganne, Toulouse.
La friche de l’Escalette : architecture et sculpture dans les Calanques de Marseille
II faut s’armer d’un chapeau et d’une bonne dose de crème solaire pour espérer arpenter l'entièreté du large parc de sculpture et d’architecture de la Friche de l’Escalette. Niché entre deux calanques à l’extérieur de Marseille, cet espace d’exposition en plein air prend place sur le terrain d'une ancienne usine de traitement de plomb, dont l’activité a pollué les sols jusqu’en 1925. Ainsi, peu d’entrepreneurs se sont aventurés à y installer de nouvelles habitations, malgré le cadre idyllique qu’offre le parc national des Calanques. Au fil des décennies, les carcasses de voitures, vieux matelas, meubles et autres déchets du quotidien se sont alors accumulés sur ce domaine valloné et rocheux, jonchant les ruines de l’ancienne usine... jusqu’à ce que le galeriste Éric Touchaleaume ne s’aventure à le racheter en 2011. S’en suit une large campagne de restauration de cinq ans, transformant la Friche de l’Escalette en immense parc de sculptures et d’architecture légères (en bois et métal), issues des collections du nouveau propriétaire et de sa galerie 54 installée à Paris. Alors qu’une première exposition met à l’honneur Jean Prouvé en 2016, certaines œuvres rejoignent les lieux de façon permanentes. À l’image d’une forêt de sculptures en bois de chêne de François Stahly (1966), installée au bord d’une colline ; d’un totem en acier corten signé Costa Coulentianos (1967) trônant devant les restes de l’ancienne usine ; ou encore de larges disques en acier soudé de Gérard Lardeur (années 60), peuplant les ruines d’un escalier en pierre… Bonus de cet été : deux pavillons conçus par Jean Prouvé, à découvrir dans la cour de la Friche.
La Friche de l’Escalette, route des Goudes, impasse de l’Escalette, Marseille.