“Il les collait probablement sur sa tête – il avait si peur qu’elles s’envolent !” Les mots de Gregor Muir, co-commissaire de la nouvelle exposition sur Andy Warhol au Tate Modern à Londres, ont de quoi faire sourire. Depuis aujourd'hui, le célèbre musée d’art contemporain accueille une gigantesque rétrospective de l'une des plus célèbres figures du pop art. À cette occasion, trois perruques de l’artiste seront exposées pour la première fois à Londres. Curieuse décision, qui étonne autant qu’elle amuse.
Un artiste touche-à-tout à l’oeuvre multi-dimensionnelle
Pour les six prochains mois, la Tate Modern présente à ses visiteurs plus d’une centaine d’oeuvres d’Andy Warhol, dans l’une des rétrospectives les plus vastes jamais faites à ce jour sur l’artiste. S’y retrouvent sans surprise ses oeuvres phares, parmi lesquelles les fameuses sérigraphies de Marilyn Monroe (1962) et d’Elvis Presley (1963-1965), mais aussi les portraits d’autres personnalités iconiques telles que la chanteuse Debbie Harry (1980) ou le dictateur Mao Zedong (1972). L'exposition comprend également un certain nombre d'œuvres d'art qui seront exposées pour la première fois au Royaume-Uni. Parmi elles, on peut citer Sixty Last Suppers, une toile de 10 mètres de large créée quelques mois avant la mort d'Andy Warhol.
Au-delà de son obsession pour le genre du portrait, Andy Warhol était avant tout un artiste complet et caméléon, passant d’un support à l’autre en un claquement de doigts. Peinture, sérigraphie mais aussi sculpture, film, performance… L’Américain a exploré tous les champs de la création. Ainsi, l’exposition présente également plusieurs de ses vidéos et recrée même son installation Silver Clouds, une pièce emplie de nuages argentés imaginée en 1966.
Avec une curiosité sans limite, Andy Warhol se lance dans le cinéma, fonde la revue Interview en 1969, et va jusqu’à produire le groupe culte Velvet Underground. De son passé de graphiste au service de la presse et de la publicité, il conserve une vision acerbe de la société consumériste façonnée par la culture visuelle, qu'il détourne avec un certain cynisme.
“Warhol lui-même était une œuvre d’art”
“Dans le futur, tout le monde aura droit à 15 minutes de gloire” : la citation a longtemps été prêté à Andy Warhol. Entre nez refait et perruque argentée, l’artiste lui-même a toujours cultivé son son image, entre provocation et cynisme. Premier artiste de l'ère médiatique, le dandy excentrique annonce par son comportement la future société du spectacle. Pas si anodin alors, de vouloir exposer les postiches de l’Américain : “Les perruques font partie du personnage de Warhol, et Warhol lui-même était une œuvre d’art” déclarait récemment Gregor Muir au Guardian.
Intégrées à la collection du musée Andy Warhol de Pittsburgh, en Pennsylvanie, ces trois perruques sont considérées comme des composantes essentielles de l’artiste et de son oeuvre, dont la présence semblait indispensable à la rétrospective de la Tate Modern : “C'était un peu sinistre, il faut le dire, mais en même temps - c'est lui !”, se défend le co-commissaire. Chauve dès ses vingt ans, Andy Warhol s’est tout de suite dirigé vers des perruques faites de vrais cheveux aux couleurs allant du blond un peu terne au gris argenté, faisant ainsi planer un mystère constant sur son âge véritable. “C’est un homme qui veut se fondre dans la masse”, poursuit Muir. “En vieillissant, Warhol est devenu plus sauvage, plus argenté et, d'une certaine façon, plus effrayant”.
À côté des perruques se trouvent l’un des célèbres autoportraits d’Andy Warhol datant de 1986, caractérisé par le regard hagard de l'artiste et ses mèches folles fusant dans tous les sens. Le cliché est accroché dans la dernière salle de l’exposition, conçue comme une chapelle à la luminosité peu élevée, comme un ultime hommage à celui qu’on a surnommé le “pape du pop art”.
Andy Warhol, jusqu’au 6 septembre 2020 à la Tate Modern de Londres.