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Numéro
12 Elmgreen & Dragset prennent d'assaut la place Vendôme : “L'humanité va-t-elle disparaître pour laisser place à la nature?”

Elmgreen & Dragset prennent d'assaut la place Vendôme : “L'humanité va-t-elle disparaître pour laisser place à la nature?”

ART & DESIGN

Des étoiles de mer sur la place Vendôme, un sol éventré en plein Marais... Les responsables ? Elmgreen & Dragset, duo explosif parti à l’assaut de Paris. Numéro art les a rencontrés dans leur atelier de Berlin. Extrait de l'interview publiée dans le Numéro art #3.

Michael Elmgreen et Ingar Dragset, photographiés dans leur atelier à Berlin. Au premier plan : “Some Stayed on While Others Left” (2018), sculpture renversée exposée actuellement à la Whitechapel Gallery à Londres. À gauche, l’une des 100 étoiles de mer de “To Whom It May Concern” (2018), bronze, acier et patine, installé place Vendôme pendant la FIAC. À l’arrière-plan : “Broken Square” (2018). Pierre, résine époxy, polystyrène, présenté à la galerie Perrotin à Paris.
Michael Elmgreen et Ingar Dragset, photographiés dans leur atelier à Berlin. Au premier plan : “Some Stayed on While Others Left” (2018), sculpture renversée exposée actuellement à la Whitechapel Gallery à Londres. À gauche, l’une des 100 étoiles de mer de “To Whom It May Concern” (2018), bronze, acier et patine, installé place Vendôme pendant la FIAC. À l’arrière-plan : “Broken Square” (2018). Pierre, résine époxy, polystyrène, présenté à la galerie Perrotin à Paris.
Michael Elmgreen et Ingar Dragset, photographiés dans leur atelier à Berlin. Au premier plan : “Some Stayed on While Others Left” (2018), sculpture renversée exposée actuellement à la Whitechapel Gallery à Londres. À gauche, l’une des 100 étoiles de mer de “To Whom It May Concern” (2018), bronze, acier et patine, installé place Vendôme pendant la FIAC. À l’arrière-plan : “Broken Square” (2018). Pierre, résine époxy, polystyrène, présenté à la galerie Perrotin à Paris.

Numéro art : Commençons par votre intervention à Paris, pendant la FIAC. Plus d’une centaine d’étoiles de mer – des sculptures taille réelle – ont pris d’assaut la place Vendôme. La nature reprend-elle ses droits ?
Michael Elmgreen : Nous voulions créer une image digne d’un film de science-fiction : la Seine a submergé la place et a laissé derrière elle des étoiles de mer. Ces créatures sont un peu comme des aliens, de sympathiques intrus. Dans les temps anciens, les étoiles de mer étaient d’ailleurs considérées comme le reflet au fond des mers des étoiles déployées dans le ciel. Ce sont aussi des créatures dotées d’un énorme instinct de survie. Vous pouvez les démembrer entièrement, elles renaîtront toujours à partir d’un bras. Elles symbolisent une forme de résilience de la nature.

 

L’œuvre sera par la suite installée au Domaine des Étangs, situé à Massignac, entre Limoges et Angoulême...
Ingar Dragset : En ville ou en pleine nature, au Domaine, l’œuvre se fait l’écho des grands enjeux environnementaux. Une catastrophe écologique, un raz-de-marée sont-ils à l’origine de la présence de ces étoiles ? L’humanité a-t-elle disparu pour laisser place à la nature ? Le choix originel de Paris n’est pas neutre. Nous avons assisté aux crues impressionnantes de la Seine ces dernières années. La ville a aussi accueilli la COP21 dont l’accord a finalement été rejeté par Trump.

 

 

L’Église nous demande de souffrir et de nous sentir coupables, comme Jésus crucifié. Mais ici, le geste est une recherche de plaisir.

l’une des 100 étoiles de mer de “To Whom It May Concern” (2018), bronze, acier et patine, installé place Vendôme pendant la FIAC. l’une des 100 étoiles de mer de “To Whom It May Concern” (2018), bronze, acier et patine, installé place Vendôme pendant la FIAC.
l’une des 100 étoiles de mer de “To Whom It May Concern” (2018), bronze, acier et patine, installé place Vendôme pendant la FIAC.

Après le sextoy géant de Paul McCarthy ou les imposantes structures d’Oscar Tuazon, la place Vendôme accueille avec vous une installation presque minimaliste.
Michael Elmgreen : Place Vendôme, tout est fait pour impressionner. La monumentalité de la place, sa colonne, sont des expressions du pouvoir. Nous voulions jouer en contrepoint, avec une œuvre horizontale, beaucoup moins machiste. Une œuvre qui se laisse approcher et toucher.

 

Le pouvoir, et la manière dont il s’incarne symboliquement dans des structures, des hiérarchies et des modes de pensée, ou plus concrètement dans des architectures, a toujours été au cœur de votre travail. Vous venez justement d’inaugurer une vaste exposition à la Whitechapel Gallery à Londres qui présente plusieurs de vos œuvres iconiques.

M.E. : L’étage de la Whitechapel Gallery accueille une sorte de rétrospective. On y trouve notre sculpture du garçonnet fasciné par une arme accrochée au mur, ou celle du petit enfant recroquevillé dans une cheminée. Il y est beaucoup question d’une masculinité que je qualifierais de toxique. Quand nous sommes enfants, notre éducation encourage certains comportements. On attend d’un garçon qu’il joue avec des armes, qu’il soit fasciné par les armes. Et on ne dit pas assez que les violences avec armes à feu sont le fait, à 99,9 %, des hommes. Ce problème est un problème masculin. Et lorsque le petit garçon ne répond pas aux attentes de ses parents – de la société – il souffre, il se sent coupable... et se réfugie dans la cheminée.

 

REVERSED CRUCIFIX (2016). ALUMINIUM, LAQUE, BRONZE, BOIS, MIROIR LAQUÉ ET ACIER, 254 X 168 X 40 CM. OEUVRE EXPOSÉE À LA WHITECHAPEL GALLERY REVERSED CRUCIFIX (2016). ALUMINIUM, LAQUE, BRONZE, BOIS, MIROIR LAQUÉ ET ACIER, 254 X 168 X 40 CM. OEUVRE EXPOSÉE À LA WHITECHAPEL GALLERY
REVERSED CRUCIFIX (2016). ALUMINIUM, LAQUE, BRONZE, BOIS, MIROIR LAQUÉ ET ACIER, 254 X 168 X 40 CM. OEUVRE EXPOSÉE À LA WHITECHAPEL GALLERY

Vous présentez également un christ en croix, mais l’homme crucifié présente ses fesses au public. On est plus proche de la scène sadomaso.
M.E. : L’Église est une autre structure de pouvoir. Elle nous demande de souffrir et de nous sentir coupables, à l’image de Jésus crucifié, mais ici, le geste est volontaire. C’est une recherche de plaisir.

 

Vous présentez également une nouvelle installation au rez-de- chaussée de la Whitechapel. De quoi s’agit-il ?
I.D. : Nous avons transformé ce niveau en piscine publique abandonnée, comme on en trouve à Londres. Une plaque accrochée au mur explique comment ce lieu a été racheté par un consortium immobilier qui souhaite le reconvertir en spa privé. La piscine est le symbole du sort réservé à de nombreux espaces publics : une privatisation qui participe à la gentrification des villes. À Londres, c’est une véritable épidémie. Les petits revenus sont poussés vers la sortie et on multiplie la construction de tours en verre, de complexes résidentiels hors de prix pour des gens qui n’y vivent presque jamais. Lorsque vous vous baladez la nuit dans certains quartiers, presque aucune lumière n’est allumée. Les maisons et les appartements ne sont pas habités. Ce ne sont que des investissements financiers. L’ancien maire Boris Johnson est responsable de cet état de fait. Son action a eu un impact désastreux sur le gouvernement, mais aussi sur le Brexit et sur la ville. Quand nous avons inauguré l’œuvre Powerless Structures, sur Trafalgar Square, notre plus grande victoire a été de faire en sorte que Joanna Lumley, de la série Absolutely Fabulous,inaugure la pièce plutôt que lui.

 

[...]

 

RETROUVEZ L'INTÉGRALITÉ DE L'INTERVIEW DANS LE NUMÉRO ART #3, EN KIOSQUE ET SUR LE ESHOP NUMÉRO

“Invisible” (2017). Bronze, marbre, bois, laque et vêtements, 125 x 86 x 45 cm (cheminée) et 62 x 26 x 64 cm (petit garçon). “Invisible” (2017). Bronze, marbre, bois, laque et vêtements, 125 x 86 x 45 cm (cheminée) et 62 x 26 x 64 cm (petit garçon).
“Invisible” (2017). Bronze, marbre, bois, laque et vêtements, 125 x 86 x 45 cm (cheminée) et 62 x 26 x 64 cm (petit garçon).