Pommettes saillantes, coupe courte ultra nette, sourcils acérés, large sourire rouge et jambes interminables : le visage angulaire et harmonieux de Grace Jones et son corps longiligne ont inspiré plus d’un photographe. De son image de disco queen à celle de cyborg pour le spot publicitaire de Citroën en 1985, en passant par le masque moulé aux traits de son visage réalisé par son collaborateur et partenaire de vie Jean-Paul Goude, le musée britannique Nottingham Contemporary, basé dans la ville éponyme du nord de l'Angleterre, propose à partir du 26 septembre une rétrospective de la carrière de la chanteuse, mannequin et actrice jamaïcaine. Âgée aujourd'hui de 72 ans, celle-ci n'a en effet jamais cessé de déjouer les codes sociaux et artistiques.
Un personnage qui déjoue les codes de la représentation
Connue de tous pour son physique androgyne, Grace Jones se joue dès les débuts de sa notoriété des codes binaires assignés à la masculinité et à la féminité. Revendiquant son désir de sentir autant féminine que masculine, elle se confie sur le plateau du programme australien Day by Day en 1985 : “je trouve ridicule d’essayer de catégoriser les sentiments ou les préférences des gens ; il n’a pas de comparaison à faire, on ne peut pas dire qu’une chose soit meilleure ou pire qu’une autre. Faites seulement ce que vous avez envie quand vous en avez envie si vous vous en avez envie.” Cédric Fauq et Olivia Aherne, les commissaires d’expositions du Nottingham Contemporary, ont ainsi pris le parti de mettre les questions de genre et de race au centre de la rétrospective.
Une “traversée dans le temps” qui “cherche à donner à la fois un tableau de fond historique et une perspective contemporaine à la fabrication de l’image chez Grace Jones, que ce soit sur la scène, en musique ou la mode”, annonce le texte de présentation de l'exposition pour en brosser un avant-goût appétissant. Car l'image de l'artiste est bel et bien, au fil des années, devenue iconique, travaillée et forgée entre autres par le photographe français Jean-Paul Goude. Outre le documentaire musical A One Man Show qu’il réalise en 1982 pour celle qui partagera sa vie pendant un temps, il lui construit une esthétique érotique et sulfureuse à la limite de l’exotisme à travers des séries de clichés, comme le fameux Jungle Fever (1972) où Grace Jones apparaît nue, rugissante à quatre pattes dans une cage.
Une vie d’art et de fête
Bête de scène dont toute une jeune génération d’artistes s’est inspirée – Lady Gaga, Rihanna, Nicki Minaj, Miley Cyrus, pour n'en nommer que quelques unes –, Grace Jones a fait de sa vie un art, et surtout, une fête. Adepte des soirées mondaines et des clubs new-yorkais et parisiens, villes entre lesquelles elle partage sa vie, la “disco queen” est l’une des personnalités emblématiques du Studio 54 à New York aux côtés d’Andy Warhol, de Jean-Michel Basquiat et d’Azzedine Alaïa. L’exposition du Nottingham Contemporary inclus également le travail de ces derniers, ainsi d’une trentaines d’autres artistes et créateurs pour qui Grace Jones est donc devenue une muse iconique aux mille visages.