La nouvelle tombe à point nommé en cette période de confinement. Ce vendredi 24 avril, le Centre Pompidou dévoile son tout premier jeu vidéo baptisé Prisme7. Disponible gratuitement aussi bien sur smartphone que sur ordinateur, celui-ci invite enfants, adolescents et adultes à constituer leur propre collection virtuelle d’œuvres d’art. À travers un parcours sur sept niveaux déterminés par des thématiques artistiques, dont le design rappelle fortement l’esthétique du célèbre bâtiment parisien, le joueur doit débloquer des pièces appartenant à la collection du Musée national d’art moderne. “Le jeu vidéo est l’une des dernières formes artistiques de notre culture, mais paradoxalement, aucun jeu n’avait jusqu’à présent réussi à proposer une expérience artistique qui immerge dans le champ de l’art moderne et contemporain”, explique Abdel Bounane, l’un des deux fondateurs de Prisme7 avec Olivier Mauco. Décryptage de cette proposition inédite, ludique et pédagogique du centre culturel français.
1. Une interface familière
Avec sa progression sur sept niveaux d’une carte à une autre, Prisme7 s’inscrit dans le genre bien connu du jeu de plateforme. Comme dans les célèbres Rayman, Sonic ou encore Super Mario Bros, le joueur doit parcourir un circuit jouant sur les hauteurs en essayant d’amasser le plus de monnaie et en débloquant le maximum d’éléments. Ici, les monnaies à amasser sont appelées “orbes”, des petites sphères rouges qui permettent d’éviter les obstacles ou de déplacer des ponts, tandis que les objets à débloquer sont des “gemmes”, qui révèlent chacune une œuvre d’art de la collection du musée. En parcourant les salles, les coursives et les étages comme un labyrinthe, l’interface semble également jouer sur des réflexes visuels et ludiques fondamentaux tels que ceux développés dès 1980 dans Pac Man, l'un des jeux les plus cultes et populaires de l’histoire du jeu vidéo. Particularité cependant : l’avatar n’est pas ici, comme souvent, un personnage incarné, humain, animal ou anthropomorphe, mais une entité abstraite constituée de molécules lumineuses.
2. Une identité visuelle caractéristique
Dès l’entrée dans le premier niveau de Prisme7, l’identité du Centre Pompidou est immédiatement reconnaissable. En effet, l’esthétique du jeu n’est pas sans rappeler la charte visuelle et graphique du musée parisien autant que sa célèbre architecture signée par Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini : on y retrouve les éléments industriels et mécaniques caractéristiques du bâtiment, tels que ses tuyaux, hélices et tubes transparents, mais également son code couleur. Ainsi, le jaune supposé signifier les circulations électriques du centre apparaît dans le jeu sur les clôtures afin de délimiter les parcours, le rouge évoquant la circulation des personnes colore ici les ascenseurs et les dalles foulées par le joueur, tandis que le bleu et le vert teintent les tuyaux dans lesquels passent l’eau et l’air. Outre le musée lui-même, le design du jeu fait également référence à certains des grands principes formels qui ont caractérisé des courants de l’art moderne, à l’instar des formes et blocs géométriques monochromes qui rappellent délibérément les compositions abstraites de Piet Mondrian ou Vassily Kandinsky.
3. Une pédagogie interactive
Comme dans tout bon jeu pédagogique, la progression de Prisme7 est fondée sur l’apprentissage. L’objectif de ses créateurs étant de rendre cet apprentissage ludique et interactif, chacun des niveaux est construit sur une thématique plastique : “couleur et système”, “couleur et fonction” ou encore “lumière et physique”, qui pour chaque niveau inspire les défis à relever. Aussi, dans le niveau 4, le joueur est par exemple invité à colorer des éléments d’un monde incolore, et doit associer des formes et des couleurs dans le niveau suivant, puis projeter sur les murs des ombres mouvantes dans le niveau final, baptisé “lumière et immersion”.
Mais surtout, l’apprentissage du joueur se matérialise par la collection virtuelle qu’il étoffe au fil des niveaux, en récoltant progressivement de nouvelles œuvres d’art sous forme de gemmes. Des sculptures de Xavier Veilhan et Donald Judd aux toiles de Vera Molnar, Robert Delaunay et Victor Vasarely, en passant par les installations immersives de Mona Hatoum et Olafur Eliasson, les pièces sont nombreuses et bien choisies, toute extraites de la riche collection du Musée national d'art moderne. Chacune est présentée par un encart expliquant en quelques mots le rapport de l’œuvre à la thématique abordée. Si l’on peut déplorer la concision et l’absence de date de ces cartels numériques, ceux-ci offrent néanmoins un pied d’entrée dans une démarche artistique ancrée dans la problématique plastique soulevée, qui pourra faire naître une curiosité ultérieure. Une fois le jeu terminé, le joueur peut, s'il le souhaite, parcourir à nouveau l’intégralité de la collection dont il est désormais le propriétaire virtuel. Une aventure qui saura sans nul doute séduire à l’heure de ces longues journées passées chez soi.