Présentées à la Maison Guerlain jusqu’au 6 janvier, les œuvres de Claudine Drai prennent des formes multiples, poétiques et insaisissables. Ici, un envol de colombes. Là, la silhouette d’un ange aux ailes grandes ouvertes. Plus loin, sous les traits d'un paysage impressionniste rendu abstrait par une neige persistante, on perçoit finalement de délicates ballerines prêtes à effectuer un pas de danse… Toutes ces créations sont toutes réalisées à partir de son matériau de prédilection : le papier de soie. Sans dessin préparatoire, Claudine Drai le plisse avec la dextérité d’un artisan sûr de ses gestes. Sur la toile, blanche comme eux, les papiers plissés se métamorphosent alors en figures dans des installations sculpturales à taille humaine : des fantômes rattachés à la terre par le souffle poétique de l’artiste.
“Voir une exposition ou sentir un parfum, c’est refuser pour un temps la domination de la raison et laisser derrière soi les explications, explique Laurent Boillot, le PDG de Guerlain. Contempler une œuvre d’art ou respirer un parfum, c’est s’abandonner à ses sens.” Au fil de ces installations, on laisse ainsi vagabonder notre imagination pour croire, quelques instants, que ces pièces sont habitées par des âmes, des anges ou des esprits… par une éternité capturée sur une toile mais toujours prête à perpétuer son mouvement. Les tableaux et les sculptures de Claudine Drai sont de pures floraisons, blanches comme une idée abstraite et idéale de la nature. Le vent y souffle comme dans les champs de blé de Monet et Manet, auxquels l'artiste rend un hommage appuyé. Les papiers modelés y sont comme en expansion, dilatés par un souffle mystique, prêts à s’évaporer en un paradis immaculé et éthéré. “Devant nous, écrit Olivier Kaeppelin, commissaire d’exposition et critique d’art, des êtres, à la fois présents et absents, qui apparaissent et disparaissent comme les caprices du vent. […] Ce qui intéresse Claudine Drai n’est ni la chenille ni la chrysalide ni le papillon, mais cette conversion de l’un à l’autre. La transmutation, la métamorphose.”
Naturellement, Claudine Drai ne pouvait s’intéresser aux forces de l’invisible sans se plonger dans la puissance évocatrice du parfum. Dès 1994, elle entreprend ses premières recherches, qui nourrissent ses textes, et elle intègre la dimension olfactive dans ses créations. Avec le parfum, écrit-elle, comme si elle parlait de ses propres œuvres, “les sensations se cherchent, se détruisent. Quelque chose qui nous traverse, nous quitte, nous reprend […]. Comme une matière de ciel. Comme un pigment que prend le vent pour colorer l’espace. Une matière que dépose la terre sur le souffle de l’air. Une trace qui n’est jamais définitive.” Intitulée “L’âme du temps à la Maison Guerlain”, l'exposition est justement ponctuée des mots de Claudine Drai. Les mots qu’elle se murmure lorsqu'elle travaille ou lorsqu’elle pose, sur les émotions, des parfums emblématiques de la Maison. De cette rencontre est également née une nouvelle fragrance, inspirée de l’univers de l’artiste. Le maître parfumeur de Guerlain, Thierry Wasser parle d’un “voyage moléculaire dans l’infini. De notes de musc poudrées qui s’ouvrent comme la lumière, une lumière douce et diffuse. De la texture d’un papier qui évoque une certaine chaleur.” Ce parcours lumineux s’emprunte au 68, Champs-Elysées jusqu’au 6 janvier.
Exposition “L’âme du temps à la Maison Guerlain”, 68 Avenue Champs-Élysées, Paris XVIIe.