Après avoir attendu de longues minutes que les spectateurs s’installent, Jérôme Bel, bras croisés et carnet de notes en main, introduit lui-même son dernier spectacle : Isadora Duncan. Comme un chauffeur de salle, micro fixé à l’oreille, short oversize et veilles baskets de course aux pieds, le chorégraphe aux yeux rieurs prend soudain un air grave : “Pour des raisons écologiques, je n’ai pas distribué le programme de ma pièce. Ce soir, c’est moi qui vais vous le lire.” Respectueux de l’environnement, le dernier spectacle de Jérôme Bel prend part au cycle de portraits de danseurs initié par le chorégraphe en 2004.
Isadora Duncan, un portrait dansé
Inaugurée avec le portrait de l’étoile Véronique Doisneau et poursuivi cinq ans plus tard avec celui de Cédric Andrieux (interprète de Merce Cunningham), la série d’hommages dansés de Jérôme Bel reprend avec Isadora Duncan. Inspirée de solos composés par la danseuse américaine, la pièce du chorégraphe s’appuie aussi sur des textes directement extraits de l’autobiographie d’Isadora Duncan : Ma vie.
La mise en scène est sobre. Sommaire même : pas de décor, aucun jeu de lumière, seulement une table placée à l’avant-scène, où est posée un ordinateur et une table de mixage. Jérôme Bel s’y assoit et présente l’autre interprète de la pièce : Elisabeth Schwartz. Formée par une autre figure de la danse américaine, Merce Cunningham, la sexagénaire est une experte de l’univers duncanien : depuis quarante ans, elle performe les solos de celle qui a libéré le corps féminin dans la danse.
Construit comme un dialogue entre la danse et la lecture, la pièce de Jérôme Bel est un conte qui s’anime. Telle une marionnette, la danseuse exécute les mouvements tandis que Jérôme Bel introduit ces derniers par la parole. Ennuyés par cette lecture exhaustive (rappelant celle d’une page Wikipédia), les spectateurs s’enthousiasment quand ils sont invités à rejoindre Elisabeth Schwartz pour apprendre un solo. C’est habituel dans les pièces de Jérôme Bel : danseurs, acteurs et spectateurs se confondent pour créer une performance qui va au-delà de la danse (Disabled Theater en 2012, Cour d’honneur en 2013 et Gala en 2015).
À la fin d’Isadora Duncan, on se dit que Jérôme Bel n’a fourni aucun travail chorégraphique, mais la pièce vaut le détour : elle rend hommage à la plus grande danseuse du XXe siècle.
Isadora Duncan de Jérôme Bel, du 3 au 5 octobre au Centre Pompidou, puis du 28 au 30 novembre à la Commune d’Aubervilliers.